mardi

Karma Coma Jamaïca Aroma















Bon. Cette histoire du mec dont on se rend compte après vingt-trois ans qu'en fait il était pas dans le coma, mais piégé dans un locked-in syndrome et qui communique maintenant grâce à un écran d'ordi. Vous y croyez-vous ?

Alors d'avance, pardon à la famille, tout ça.

Mais bon. Je remets pas en question l'étude du professeur photogénique qui semble bien aimer l'objectif. Ouais, c'est bien possible. Peut-être bien que le pauvre gars est pleinement conscient.

Ce que je mets en doute, c'est la technique utilisée pour le faire "parler". Y a une logopède qui lui tient le doigt et qui, je cite sent Rom* qui guide sa main par une légère pression de ses doigts et qu'elle sent s'opposer quant elle meut sa main vers une lettre incorrecte.

Merde, c'est évident. C'est ce qu'on appelle de la communication facilitée. Comme un gobelet de ouija qui se dirige, guidé par le fantôme, vers les lettres du scrabble qui vous indiqueront où le vieux a planqué son héritage. Mais vous avez quel âge ? Maturez-donc bande de bébé lala.
C'est la logopède qui parle, pas le pauvre Rom.

Allez quoi. Après vingt-trois ans, après vingt-trois putain d'année, on ne sait même plus parler. On ne sait même plus ce que c'est qu'une lettre, quoi. Moi, quand je dors un peu trop longtemps, je sais même plus articuler.

Alors imaginez écrire un livre !

(me demande bien qui touchera les royalties)


*notez le détail troublant : Rom = read-only memory, mémoire morte en français.

mercredi

Downward spiral



















De tous les matins, ce sont les pires.

Et les nuits qui vont avec. Apparemment, j'ai eu la présence d'esprit de réclamer une bouteille d'eau à côté du lit. Et un seau aussi. La brulûre de la soif a failli emporter ma langue et fendre mon palais, mais à aucun moment je n'ai eu la force de faire le moindre mouvement. A deux doigt de ma tête une hydratation salvatrice. Mais pas de force. Et le moindre mouvement aurait désintégré mon pauvre corps. Non, je crois plutôt qu'il se serait dissout et qu'une pâte effervescente aurait percolé à travers les draps, le plancher et jusqu'à ma maison j'aurais coulé.
De toutes les nuits ce sont les pires.

Et les matins qui vont avec. Se réveiller dans un lit inconnu, à côté d'une chaleur inconnue. N'avoir qu'une envie celle de fuir. Quelque chose a dû se produire. Mon coude gauche est bleu, endolori et griffé. Vague souvenir de chute dans les escaliers. Mon pouce droit à l'air cassé. Et cette impression poisseuse d'avoir posé des actions honteuses.

La chaleur se retourne dans le lit. Tout près trop près. Continuer à faire semblant de dormir et dès que possible fuir. J'ai rêvé que je prenais un bain dans une baignoire remplie de bière. Non sens. Comme d'habitude. La chaleur prend sa douche. Dans la caverne de mon crâne, l'écho de chaque goutte forme autant de chauve-souris hurlantes. Je me jette sur la bouteille d'eau. Bois trop vite. Et le bloc de gaz qui tombe dans mon estomac me plie comme une feuille de papier. Ne pas subir, tenir et fuir. Elle se savonne en chantonnant.

My body is a cage
That keeps me from the one I love
But my mind holds the key

Fuir fuir fuir. Boutonner la chemise froisée - jeudi avec mercredi. Nausée en enfilant le pull en laine de nicotine. Tomber en enfilant la deuxième jambe des jeans. Mais à qui diable est cette ceinture sur mon pantalon ? Sentiment poisseux. Quels actes honteux ? Pas réfléchir, fuir.

- Tu te barres déjà ?

De tous les matins, ce sont les pires. La chaleur fait barrage à la sortie de la douche.
Ses seins sont magnifiques.

lundi

Lièvagination















Nous ne sommes pas comme ces connards du New Jersey avec leur femme blonde qui apporte des cupcakes aux deux enfants -un garçon et une fille - qui jouent dans le jardin avec le labrador.

Nous sommes plutôt genre Valeureux Liégeois. Du genre à envoyer les pontes d'un Comité de Baptême pour aller dire à l'envahisseur notre façon de penser. De le défier. Et d'espérer qu'une guerre pourra se régler à l'à-fond et autres braillement de chanson.

Bourgignon pédé, Bourguignon pédé, Bourgui-, Bourgui-, Bourguignon pédé !

Je crois qu'on boit trop dans cette putain de ville. Je crois qu'on aime trop la bonne chaire. Je crois qu'on exagère.

Et voilà comment trois débiles avinés se retrouvent en haut de la citadelle de Dinant, à montrer leur cul à Charles le Téméraire, à le traiter de cocu.

Voilà comment la ville fut mise à sac pendant sept semaines sans interruption - en fait, sept jours, mais mon pote historien était raide. Comment toutes les femmes furent violées, les enfants enlevés, les habitants jetés en grappe dans la Meuse pour y être noyé, comment tout bâtiment fut brûlé et rasé jusqu'à ses fondations. A la fin, il ne resta de Liège que trente deux maisons. Et les églises évidemment. Les Bourguignons avaient été jusqu'en dans les forêts environnantes pour traquer les habitants.

Le Liégeois a cette particulière particularité. Il cherche régulièrement à se faire latter les couilles, mais parvient toujours à s'en relever.

jeudi

Course au steak















Il y cet homme, déguisé en aspirateur. A genoux, les mains dans le dos, il doit manger un maximum de marshmallows dispersés sur le sol en un temps imparti. S'il y parvient, il gagnera une poignée de billets.

Dit comme ça, ça a l'air complètement surréaliste.

Pour ceux qui s'en souviennent, ce drôle de tableau est extrait d'une émission qui s'appelait N'oubliez pas votre brosse à dent - sa dent ! hahaha ! Les participants mettaient leur dignité de côté pour un voyage à l'Ile Maurice. S'ils perdaient, c'était un séjour à Lille chez Maurice. Tordant...

Un putain de voyage à l'Ile Maurice.

C'est donc vers quinze que je me suis rendu compte que les gens - ceux que l'on dit en crachant - les gens étaient prêt aux pires humiliations pour un peu d'argent.
J'ai longtemps cru que le voyeurisme, le plaisir pervers de voir l'autre s'avilir était né avec la télé-poubelle - et peut-être en particulier avec l'émission de Nagui.

Hier, j'ai chopé la fin d'un documentaire sur la crise de '29. On y voyait un concours de danse. Un concours de danse jusqu'à l'épuisement. Le but du jeu était d'être le dernier couple debout après des heures, parfois des jours de danse ininterrompue. Les participants étaient exténués, ne tenaient plus sur leur jambes, tombaient en convulsant, mais quoiqu'il leur arrivait, il poursuivaient leurs lents balancements agonisants. Une véritable danse macabre. Une sorte d'Auschwitz de la valse. La plupart des danseurs s'inscrivaient parce qu'un repas leur était offert une fois qu'ils étaient éliminés.
Le montage montrait également le public. Les gens. Qui riaient à gorge déployée chaque fois qu'un danseur trébuchait.

Je pense immédiatement à des scènes de mises à mort sur la place publique, dans des arènes et je me dit que c'est ainsi. Que c'est en nous. Qu'on ne changera jamais vraiment.

Vice Wants Me!







message envoyé à Vice Belgium via MySpace suite à leur appel d'offre.

Salut,

Parfois les choses s'enchaînent et on se retrouve à passer à l'acte sans même se rendre compte immédiatement de ce que l'on est en train de faire. Pourtant, quelque part dans une circonvolution cérébrale, il y a une sorte de petit bonhomme qui se met les mains devant le visage de honte anticipative.

Ainsi donc, il y a un mois de ça (peut-être deux), je me suis inscrit sur MySpace (http://www.myspace.com/piacoa) afin de faire connaître mon blog (piacoa.blogspot.com) afin de faire connaître mes écrits afin de faire connaître, en particulier, un roman que j'avais écrit en 2004 (DEAD LINK). L'idée, qui est arrivée bien trop tard à mon goût, c'était que mon activité littéraire avait une sale tendance à l'autarcie, je devrais dire, à l'onanisme. Je me branlais, en somme. J'écrivais tout seul, je lisais ce que j'écrivais tout seul et je finissais par me mordre la queue comme un serpent aztèque.

Puis paf ! étant lecteur assidu du Vice et constatant que Vice Belgium a ItsSpace, je demande à en être un ami (avec le fantasme, évidemment, qu'un mec - ou une meuf - de l'équipe éditoriale s'emmerde et passe voir un coup sur mon blogspot). Cela dit, la réponse tarde à venir et ayant une mémoire de Commodore 64, j'en viens même à oublier que j'ai lancé cette invit'.
Puis paf ! "Vice Belgium" est dans mes nouveaux amis et s'adresse directement à moi via une affiche qui dit Vice wants You! et You dans ce cas, c'est moi ! Car, c'est bien de moi qu'il s'agit, une personne créative sans talent spécifique, mais avec une bonne paire de couilles. D'ailleurs, j'ai une nouvelle preuve que ce message m'est adressé un poil pubien plus haut, cette affiche se trouve sous la bannière Qui j'aimerais rencontrer. Donc, je me dis merde ! et mes yeux s'équarquillent, l'ordinateur me parle ! il essaie de me transmettre un message ! Ecris à Vice pour répondre à leur invitation personnelle.

Dont acte.

Je m'appelle Antonio Stavro Gambini, parfois Salvatore Lo Bue et parfois Jonathan aussi, mais ça dépend. C'est ma nouvelle marotte. Je me dis qu'on sait le nom que l'on nous a donné, mais pas le nom que l'on a (vraiment). Quant à savoir qui l'on est...
J'écris. J'aurais bien envie de dire que je suis écrivain, mais ce serait prétentieux, car je manque sérieusement de reconnaissance pour ça (cfr plus haut et l'histoire du serpent aztèque). D'ailleurs au moment où je vous écris, mon second roman est en train de se faire charcuter dans les maisons d'éditions. Vous imaginez bien le ravissement nauséeux qui me prends, chaque matin, quand je dois ouvrir ma boite aux lettres.
Si ça peut vous rassurer, mon actuelle dit que j'ai du talent, mais je crois bien que ça a autant de valeur que quand ma mère me dit que je suis beau. Cela dit, c'est pas parce que votre mère vous dit que vous êtes beau que vous ne l'êtes pas, hein.

Je sais pas trop ce qu'on peut faire ensemble, mais ça va être bien. Ouais.

A. Piacoa.

lundi

N'aide pas ton prochain comme tu voudrais qu'il t'aide















Cette histoire m'en a immédiatement rappelée une autre qui m'était arrivée quelques mois auparavant. J'étais tranquillement chez moi, regardant le film le plus viril de l'histoire du cinéma en pratiquant l'activité la moins virile de l'histoire des genres - je repassais en regardant Le Bon, la Brute et le Truand - quand on sonne à ma porte. Je n'ai malheureusement pas l'habitude de répondre par le parlophone. Je m'épargnerais bien des conversations avec des importuns si je le faisais, mais non, je ne peux m'empêcher d'ouvrir directement aux Jéhovas, aux représentants de Nuon ainsi qu'à de douteux vendeurs de gaufres. Cette fois, il s'agissait d'une sorte de mac tout droit sorti du quartier de la poste. Oubliez l'image du gangster au langage trois pièces en costume châtier. C'est pas Ocean's Eleven ici, c'est le quartier Sainte-Marguerite. J'avais affaire à une raclure de bas quartier, en jeans élimé avec accent balkanique*. Ces cheveux longs étaient bien trop gras pour être honnêtes, sa chaîne en or bien trop voyante pour attirer la confiance.

- Jonathan est là ? qu'il fait.
Bonjour, Excusez-moi de vous déranger, tu connais, connard ? Là, je me méfie un peu, mais pas assez, parfois les surprises nous rendent cons.
- Ben... c'est moi.
- Non, Jonathan qui habitait ici avant.
- Ah, l'ancien propriétaire, que je lâche avec soulagement. Il n'habite plus ici.
- Où je peux le trouver ? Je suis de la famille. Ca fait longtemps qu'il m'a pas vu.

J'ai beau me croire misanthrope, je suis incapable, quand je suis pris de court, de ne pas aider les gens. Si je ne m'y prépare pas, en fait, je suis assez sympa, voire carrément débonnaire.

- Il n'habite plus ici, mais sa famille habite la maison juste là.
Je la lui pointe du doigt. Evidemment, il ne dit pas merci.

Par ma fenêtre, je regarde tout de même discrètement la tournure des événements. Je suis écrivain, je contrôle pas les scénarii qui germent dans mon esprit de tordu. On doit de l'argent à ce mec et moi, je l'ai conduit direct vers une prise d'otage ou un règlement de compte au 9mm détourné.
Le gars a simplement été envoyé ailleurs et je comprendrais mes voisins s'ils venaient tagger BALANCE sur ma façade. Ils ont peut-être été plus malins et loyaux que je ne l'avais été et ont dit qu'ils ne connaissaient pas de Jonathan.


Aujourd'hui donc, je sors de chez moi pour un footing matinal. Privé de lecteur mp3 et gonflé de honte et de culpabilité, comme à chaque fois, ma musique intérieure chante :

Fitter, happier, more productive
Comfortable
Not drinking too much (ça c'est en pensant au week-end juste passé)
Regular exercice at the gym
(three days a week) et ça, c'est pour le footing.

Pourquoi diable devrait-il y avoir une opposition entre le corps et l'esprit ? En quoi courir m'éloigne-t-il des activités cérébrales ? Dernièrement, lors d'une interview, on faisait remarquer à Thomas Gunzig que ça ne faisait pas très intellectuel de pratiquer le karaté et il avait l'air d'accord avec ça. Être en mouvement ne m'empêche pourtant pas de penser, prendre soin de mon corps ne m'empêche pourtant pas cultiver mon monde intérieur. Je suis un partisan de la maxime de Gambini :

Je suis et ça se voit.

Soigner son apparence, c'est aussi soigner son être.

Arrivé à mon demi-tour du parc de la Boverie, alors que cette foutue montre Polar indiquait 232 pulsations minutes depuis 3Km - bon dieu, quelle merde cet appareil, si c'était le cas, mon coeur jouerais un morceau du Thunder Dome XVI alors que je serais en train de convulser, les yeux révulsés, l'écume au coin des lèvres - une auto s'arrête à ma hauteur. Le mec, genre, il a pas remarqué que j'étais en train de courir - je porte une de ces ridicule tenue lycra qui me moule les couilles et le reste - et il me fait :

- Hé, tu sais pas où se trouve le quai Frère Orban ?

Pas d'écouteurs en tant que prétexte à la surdité, je m'arrête donc, malgré l'absence flagrante de bonjour et d'excuses. Il avait la même tête que Robotnik, mais sa voix de Sémaphore - le maître de Cubitus - le rendait presque sympathique. Comme je l'ai dit plus haut, quand on me prend par surprise, je suis plutôt serviable.

- Heu... Frère Orban. Attendez que je sois sûr, j'halète. Ouais, ben, c'est le quai juste en face en fait.
- Ah, de l'autre côté de la flotte.
- Oui, de l'autre côté de la Meuse. Vous prenez le pont juste là derrière, qui est le pont Roi Albert Ier (notez le détail parfaitement superflu) et passé ce pont, c'est juste à gauche.
- Ah, ok merci.

Je reprends alors ma course et le cours de mes pensées galopantes tout en prenant mentalement note de la plaque du véhicule. Je ne sais pas trop d'où me vient cette habitude de flic. Cela dit, ce léger réflexe légèrement paranoïaque est entaché de ma mémoire d'Osborne I. Si je devais témoigner, voilà à quoi ça pourrait ressembler :

- Avez-vous pris note de la plaque d'immatriculation ?
- Oui... heu... enfin, ça commençait par NUL, je crois. Non, non, c'était LNU !
- Vous êtes sûr ?
- Oui, oui, je suis sûr. LNU.
- Et les chiffres ?
- Han ! Non, désolé, je ne me souviens pas.
- Quelle était la marque du véhicule ?
- Alors ça, facile, c'était une japonaise. Une mazda. Je crois. Ou Honda, un truc comme ça.
- Ok... le flic est déjà un peu exaspéré. Couleur ?
- Rouge. Ca c'est clair dans ma mémoire, rouge. Et elle était peut-être décapotable.
- Comment ça peut être ?
- Il me semble que le toit était noir.
- Bon... on n'ira pas très loin avec ça. Vous pouvez nous décrire le type ?
- Oui. Il ressemblait à Robotnik et avait la même voix que Sémaphore, vous voyez, le maître de Cubitus.
Soupir désespéré de l'agent. Je vous laisse imaginer le portrait robot.

Retour à mon souffle court. Quand je suis arrivé juste sous le pont Albert Ier, j'ai entendu deux coups de feu provenant de l'autre rive. J'ai clairement vu un éclair et entendu une nouvelle détonation depuis un étage du Ministère de la Santé. Sur le quai Frère Orban.

La Meuse me dira demain si j'ai indiqué le chemin à un désespéré des services fédéraux.

* on ne pourra pas m'accuser de taxer d'office de préjugés certaines ethnies. En effet, les Balkans ont pour particularité d'abriter toutes sortes de cultures. Le type ici peut être aussi bien Albanais, Turc, Kosovar albanophone que Serbe, Croate ou encore Rom, Bosniaque ou pourquoi pas Français, on trouve de tout là-bas, c'est bien là leur malheur.

Refus de la nrf















Toi qui écris ces lignes, abandonne ici tout espoir.
Mais c'est la nrf, keua. Ouais, je sais merci.
Ouais, mais ils ont tout de même publié Apollinaire, Proust, Sartre ! Oui, je sais tout ça, moi aussi je peux me servir de Wikipédia.

Merdre à la fin ! Ils pourraient tout de même s'arranger pour qu'on ne reçoive pas trois de ces lettres en moins d'une semaine. Les écrivains sont des êtres sensibles. Les ménager devrait aller de soi.

J'envisage l'avenir couleur écrivain raté. Ou Future Artist, tiens, haha.
J'envisage le pire.

J'envisage un suicide à la caféine au Delft.
Ou de me mettre le feu sur les Coteaux après m'être aspergé de confiture de lait de chez Fauchon.
Ou une ascèse extrême au faîte d'une des colonnes métalliques de la Place Saint-Lambert.
Ou encore un potlatch de toute ma bibliothèque sur la Place Cockerill.

Pour le suicide à la caféine, envoyer un mail à fittermail@gmail.com
Pour l'immolation, envoyer un mail via myspace.com/piacoa.
Pour le stylite style, envoyer un mail à waltergfury@yahoo.com
Pour le potlatch, tapez moi.

Je ne prends pas beaucoup de risque. Même ce blog ne "reçoit pas l'approbation de notre comité". Si seulement il est lu.

(sauf par mon coéquipier et unique fan - et encore - que je salue au passage).

C'était mon dernier post "Refus", les huit prochains sont par trop prévisibles.

dimanche

Laura











A mon coéquipier.

Nous rêverons encore longtemps de Laura. Laura est douce, Laura est candide. Laura à l'Afrique dans les cheveux et dans les yeux. Et un sourire à briser l'équateur en deux.

Laura est désolée. Navrée. Parfois elle parle tête baissée. Mais dans une excuse, tout s'explique. Ne pouvons que pardonner. A sa voix poétique.

Laura n'est nulle part chez elle. Alors Laura voyage. Grandit au Congo, au Gabon, au Zimbabwe et partout où dieu voit que cela lui est bon.

Laura nous donne des leçons. Nous dit qu'on se relève de ses erreurs. Grandi, épanoui. Sa sagesse est que sans essayer on reste un peu con. Nous lui sourions.

Notre cynisme est amoureux. Il pleure. Nous serons toujours en train de concevoir mille projets. Et pendant ce temps, Laura réalisera les siens. Sèmera un authentique enthousiasme. De Kinshasa à Johannesbourg.

Laura disparaît sous nos yeux. A cause d'un stupide feu. Elle nous manque déjà, Laura (ravie, épanouie). Ravissante, par dessus tout.

Peut-être est-elle déjà au Cap. Elle détrousse les riches prisonniers derrière leur muraille de pierre et ouvre des dispensaires pour les pauvres hères. Un coup de fraîcheur sous la canicule. Un vent de belle naïveté souffle la lourdeur de la brousse. C'est un détail pour elle. Laura aime.

Nous rêverons encore longtemps de Laura. De cette occasion manquée. De la double banger.

samedi

A Pig In A Cage On Antibiotics















Un truc beau, un truc bien, un truc carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Et l’accent flexe lui rappelait Watt et les mots de Watt « Les artistes ne parlent pas d’art. Les artistes créent ». D’artiste, il aura toute sa vie gardé le futur. Future Artist. C’était écrit en blanc, sur fond bleu, dans des caractères fantaisistes. L’âme d’artiste comme potentialité, jamais réalisée. Future Artist. Un badge en guise de regret, qui n’aura jamais pris place. Il avait fait des choix. Des choix beau, des choix bien, des choix carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Le vieil homme souriait de sa bouche sans dents. Il était vieux maintenant. Et derrière ses yeux aveugles des images du monde entier défilaient. Un monde conquis. Les choix matérialistes avaient été les plus simples. Il lui avait fallu du temps pour comprendre que la vie c’était fait pour avancer, pas pour reculer. Qu’on ne faisait pas ce qu’on voulait dans la vie. Il avait fait une croix sur les filles, sur les pochtronneries, sur toutes les facéties. On n’était pas là pour rigoler. Il avait choisi la carrière. Une carrière beau, une carrière bien, une carrière carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Comme on lui avait dit. Personne ne le soutenait dans ses idées de gamin. Et c’était bien normal, il n’était plus un gamin. A grandes enjambées, il montait les marches de la société. Un rang, un sourire, un triomphe. Rapidement, il se riait des filles, des pochtronneries, des facéties. La bagnole, la maison, les enfants, le chien qui court dans le jardin, c’était ça, la vie ! Derrière ses yeux aveugles, ses oreilles graves, son nez grossi, il contemplait sa vie. Le banc sur lequel il était assis était bien plus stable que celui sur lequel il avait grandi. Aujourd’hui, c’était un banc beau, un banc bien, un banc carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Tout le monde avait grandi, tout le monde avait vieilli, certains mieux que d’autres et ceux qui ne s’étaient pas alignés étaient morts . Mortdefaim. Et lui, le vieil homme aux yeux aveugles, il avait une bonne pension et une vue sur l’île d’Héraclion. Haha ! L’île d’Héraclion ! Une vue de ses yeux aveugles. Il s’en foutait, il respirait l’air marin. Ca ne se paie pas avec des filles, avec des pochtronneries, avec des facéties ! Ca ne se paie pas avec des rêves. Les rêves c’est pour les crèveslafaim. Derrière ses beaux yeux aveugles, il avait mieux que des rêves. Il avait des souvenirs. Des souvenirs beau, des souvenirs bien, des souvenirs carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Et sa femme s’occupait de lui et ses enfants s’occupaient de lui et ses petits-enfants riaient avec lui et son sourire sans dents. Une vie réussie. Ses parents avaient été fiers de lui. Tout le monde était fier de lui. Ses parents, sa famille, le reste de ses amis, ses anciens jeunes collègues qui l’auraient bien roué de coups amicaux pour le féliciter le jour de sa mise à la retraite. Fier lui aussi de sa croix sur les filles, sur les pochtronneries, sur les facéties. On n’était pas là pour rigoler. Le virage avait été facile, finalement, quand ses rêves eux-mêmes l’appelaient à plus de sérieux. Le sérieux. Un truc beau, un truc bien, un truc carré. Stâble. Adulte, réfléchi.

Refus de Zulma















Il pleut dans ma boite aux lettres. De grosses gouttes en forme de non. Deux en une semaine, faut pouvoir l'encaisser. Je crois bien que j'ai du mal.

Mon espoir a du faire grossir l'enveloppe. Elle me semblait plus épaisse et j'y ai cru. Mais non. C'était encore un refus.
Ils évoquent, comme ailleurs, le nombre restreint de textes retenus et y ajoutent les valeurs d'exigence et de subjectivité. Pas cons les gars. En admettant la subjectivité de leur choix, ils coupent l'herbe sous le pied d'une quelconque argumentation. Notre choix n'est peut-être pas le bon, mais c'est NOTRE choix. Il n'était de toute façon pas dans mon intention de réclamer. Ils savent mieux que moi ce que je vaux. Allons, allons, Piacoa ! Ce n'est pas ce que tu vaux, mais ce que ton roman vaut. Mouais.
A la ligne.

Enfin, Zulma est tout de même l'éditeur de Où les Tigres sont chez Eux. Pas rien quoi. Avec de telles excuses, je finirai bien par ne pas déprimer. N'ayant envoyé mon manuscrit que chez deprestigieux éditeurs, j'aurais toujours bien un auteur célèbre dans la manche pour m'excuser de ne pas être à la hauteur. On n'est pas digne ! On est à chier !

Le plus déprimant, je crois, c'est qu'ils donnent de l'espoir dans le contenu, mais pas dans la forme de leur lettre. Ils me demandent de ne pas hésiter à leur envoyer d'autres de mes productions. Ce que j'aurais pu interpréter comme un encouragement, comme un signe que mon récit n'était pas si mal, mais manquait encore un peu de réussite. Plus loin, ils s'excusent de ne pouvoir envoyer qu'une lettre préformatée du fait du nombre grandissant de manuscrits qui leur sont envoyés. La phrase génératrice d'espoir est donc ainsi annulée. Rien dans leur lettre ne me permettra une quelconque évaluation de mon écriture.

Et j'ai tout le temps l'impression que je pue du bec en ce moment...

*soupir*

mardi

Refus du Mercure de France



















Bien sûr, on me dira "Ouais, mais bon, c'est le Mercure de France, keua" et oui, en effet, c'est le Mercure de France qui m'annonce qu'ils ne publient que des textes de très haute qualité qui font l'unanimité de leur comité de lecture. Je dirais bien que ce n'est pas chez eux que je nourrissais mes plus grands espoirs, mais ça, évidemment, c'est facile à dire après coup.

Quand j'ai jeté un oeil dans ma boîte au lettres, j'ai tout de suite repéré leur enveloppe. Je n'ai vu qu'un cachet "Prioritaire" et j'ai compris que la lettre provenait de France.
Je n'ai pas été excité. J'avais bien compris, à l'épaisseur de l'enveloppe, que ça ne devait pas être bon signe. J'imagine que le jour où je recevrai une réponse positive, il y aura plusieurs feuilles m'expliquant la suite des opérations d'édition. Cette hypothèse ne sera confirmée que le jour où j'aurai convaincu un éditeur.

J'ai donc d'abord ouvert un pli émanant de la ville de Liège, m'annonçant l'imminence des travaux dans mon quartier. Immédiatement s'est formé dans mon esprit les images du chaos que cela allait impliquer. Le bordel que ça va être dans ma rue quand ils vont commencer. C'est déjà la croix et la bannière pour se garer, mais là, je pense que ça vraiment se transformer en combat de rue.
J'ai ensuite ouvert une réponse de ma fédération professionnelle. Réponse qui arrivait avec six heures de retard, car j'avais déjà pris mes dispositions en l'absence de réaction de leur part.

Vous remarquez ? J'essaie de parler d'autre chose.

Ce premier refus est une bonne nouvelle pour mon lectorat hypothétique. C'est le premier pas vers une publication en ligne. S'il vous est difficile de lire sur un écran, il devrait vous en coûter 3 ou 4 € d'impression au lieu d'une vingtaine pour un beau bouquin relié.

samedi

* N'ayons l'air de rien.















- Mais d'où vient un tel courant d'air ? dit-elle.
C'est le passage cabré d'une maîtresse sexy. L'amour qui souffle ses braises sous les ponts. Soyons désuets* ! Osons le son amour. Laissons. Laissons le se développer sur un frisson de fleuve. Laissons. Laissons le voyager. Prendre les autoroutes. Des vols depuis Amsterdam. Jusqu'à Milan.

- Mais d'où vient un tel murmure ? dit-elle.
C'est l'amour qui chuinte en passant. Soyons désuets*. L'amour se faufilant, glissant, dans les sons. La caresse d'une langue sur le palais. Tu articules dans ma bouche. Des sons sexy. Ma maîtresse ! Sur tous les ponts, ton nom.

- Mais d'où vient un tel tintement ? dit-elle.
Ce sont les accidents. Sur les pistes d'autoroute. Des conducteurs distraits. Par une maîtresse sexy. Le ruban noir tracé d'une route suave*. Tu rougis ? Soyons désuets.

ET

J'écrirais ton nom
Sur tous les ponts
Depuis Milan
Jusqu'à Amsterdam.

vendredi

Mariée Haute









Je m’en suis souvenu ce matin. Mais déjà j’ai oublié.

La mer a tout emporté.

J’envolais les notes. Au bord de ma grotte. Au bord de la plage. Elles partaient inaudibles. Vers une île inconnue. Une île icône. De mon violoncelle aphone. La crainte monta. Avec la marée montante. Aculé au plafond. Radiographie des poumons. Triste mort. Triste sort. D’un triste sire.

La mer a tout emporté.

Je les ai vus flotter. Mes épées. Mes poupées. Mes toiles, mes voiles, mais toi si souvent manquée. Je les ai tous sauvés. Mon instrument n’était pas même mouillé. La colophane ne s’est pas dissoute. Et l'archet bandait tant qu'il pouvait.

La mer a tout emporté.

Nous sommes retournés à l'hôtel. Coincés entre deux brouillards. La route pleuvait. Marcher sur le volcan. Et partir. Dans ta robe volante. Remplie de toi. La robe. Isolée. Symbolique. Blanche. Perdue dans les satins. D'un blanc matin.

La mer a tout emporté.
Je t’emmènerai encor.
Au port.
De Reykjavik.

Reykjavik

Novembre 2006

mercredi

Une lettre belge




envoyé à Monsieur Frédéric Beigbeder via MySpace ce 16 septembre 2009

Monsieur Beigbeder,

Hier soir, nous étions réunis avec trois amis autour d’une pinte de cidre, de deux Irish Mists, d’un Four Roses Coca et d’un verre de vin rouge (sans doute argentin, je ne contrôle pas les goûts de mon épouse). Inévitablement, l’un d'eux est venu à parler, avec un enthousiasme qui lui est peu commun, de votre nouveau roman.

Comme beaucoup d’autres sans doute, il a projeté une brique dans la vitrine de son libraire favori pour l’obtenir au plus vite. Mon ami n’est pas un voleur – je ne fréquente pas ce genre de gens –, il a bien sûr déposé proprement les 18€ sur le présentoir constellé de bris de verre avant de fuir pour le dévorer en une soirée. Là, je me demande comment un écrivain perçoit ce genre de gloutonnerie. Est-ce une sorte de compliment quant à la qualité passionnante du livre ou plutôt une insulte aux heures de travail et de détention que ce récit a couté ?

Toujours est-il que mon ami a été très touché par la sincérité de cette biographie. Que vous, en particulier, ayez cessé de porter le masque de vos personnages et de l’auto-fiction pour vous livrer ainsi à votre public, c’est un sacré putain de don de soi.

Ça m’a fait penser, devant la deuxième commande (dans laquelle une pinte de cidre a remplacé un Irish Mist), au changement de ton chez Bret Easton Ellis quand il a écrit Lunar Park. Quelque chose de plus vrai, de plus introspectif, de plus authentique. Même si Ellis, lui, n’a pas eut votre courage de tomber les masques.

Du coup – vous vous rendrez compte bientôt que toute cette introduction n’est qu’une digression visant à noyer un poisson – nous avons abordé le sujet de vos détracteurs qui vous dévaluent à imaginer et même à caqueter publiquement que vous imiter le style du Brat Pack. Tatata, Monsieur Beigbeder, tatata ! Si l’on s’en tenait à la surface poudreuse et à l’air de fête, on pourrait évidemment faire des ponts entre leur écriture et la vôtre, mais un océan de culture vous sépare. Je ne crois pas, mais ce n’est que mon avis de béotien, que les styles, les contenus ou les références soient comparables d’une culture littéraire à l’autre ou alors il faudrait inventer une anthropologie littéraire comparative.

Bon, trêve de blabla, j’en viens à la raison de cette lettre. En fin de conversation, un autre de mes amis a soulevé l’idée que vous nous adoptiez. Aucun de nous n’a trouvé de bonne raison à ce que vous fassiez cela, ni même à ce que nous vous le demandions, mais l’idée a claqué dans le pub comme une évidence. Ça tombait sous le sens : vous devez nous adopter.

J’imagine bien, monsieur Beigbeder, que ce genre de demande exige un temps de réflexion. Nous sommes patients. Les démarches administratives et les combats juridiques seront très certainement épuisants. Nous sommes endurants. Nos parents s’y opposeront, nos amis nous retiendront et peut-être que votre propre famille aura quelque chose à y redire. Nous sommes prêts.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de recevoir, Monsieur Beigbeder, l'expression d'une piété filiale sans modération.

Palestra.

P.S.: mon ami m'apporte Un Roman Français ce soir, je m'en réjouis. Etant donné mon rythme de lecture et le poids du retard qui fait ployer mes étagères, je ne promets pas d'avoir terminé avant deux mois.

dimanche

Vienne deux















C'est systématique. Quand je visite une ville étrangère, les cent premiers mètres à peine parcourus, je me dis Mais bon dieu ! C'est plein de jolies filles ici !
Je dois me faire une raison. En fait, les filles sont jolies partout. En particulier quand c'est l'été et qu'on se ballade dans une avenue commerciale. O God bless la mode des mini-shorts ! O God bless la mode (bien que bientôt passée) des leggings ! O god bless la mode du lurex ! O God bless la mode des décolletés baillants !

Evidemment, en célibataire à Vienne, la machine à fantasme a tourné volle speed. Dès le premier jour, j'ai entamé la conversation avec une jeune et jolie psy locale, mais elle n'est pas revenue le lendemain - cause à effet ? Je me suis demandé tout le séjour comment aborder cette autre terrible milf blonde, mais je n'en ai jamais eu l'occasion - ou ne me la suis-je jamais donnée ? Toute la soirée au bar alpin, je me suis fait dragué par trois Anglaises. Elles disaient me trouver handsome, voire carrément striking ! Passé un certain nombre de litres de bière, j'ai fini par me dire Boarf, pas grave si elles sont moches, ça fera toujours l'affaire, mais je me suis repris à temps.

Et puis le dernier jour, j'ai invité la sympathique réceptionniste de mon hôtel à venir prendre un verre. Elle était tellement embarrassée que j'ai cru qu'elle allait fondre et disparaître sous son comptoir. Impossible de capter son regard de nouveau. Mission failed.

Note pour plus tard : inviter une réceptionniste - qui connaît forcément la date du départ - à peine douze heures avant le décollage, revient à demander : on baise ce soir ?
Ce genre de chose ne marche que dans les films de cul.

Vienne
Septembre 2009

samedi

How to disappear completely














Ce texte sera illisible. Rebutant même. Parce qu'il n'a pas d'intérêt. Je me suis perdu. J'avais une identité. Et je ne sais plus et le reste c'est du vent. Si seulement écrire a encor un sens. Encor. Je le préfère sans "e". C'est celui du désir. "Encore" est celui de l'envie. Du caprice. De l'enfant. Sans "e" la femme jouit.

Ce texte est un défi. Pas pour moi. Pour celui qui la lit. Ils sont déjà si rarement lus. Celui-ci, il faudra être bien couillu. Fin de la rime. A la ligne.

Ca y est, je suis trentenaire. J'ai déjà fait ma crise, merci. Elle s'est soldée par un choix. Une thérapie. Un tatouage. Ou un violoncelle. C'est con une crise. Pourtant, ça a l'air sérieux. Mais, non, c'est con. Et j'ai opté pour le violoncelle.

J'aurais mieux fait d'éviter la ponctuation. Ca aurait été encore plus méchant. Je ne le suis pas. Méchant. Je ne crois pas.

Parfois dur.

Avec mon épouse. Mais c'est juste parce qu'elle a la malchance d'être tout près. Un jour, j'ai frappé mon petit frère. Et je lui ai dit que c'était parce que c'était lui qui était le plus près. Je ne suis pas violent. Faut pas croire. Quiconque à un petit frère pas trop éloigné en âge, s'est battu avec lui. Ne mentez pas. Y a rien de mal à ça. On se dispute l'amour des parents.

Je crois qu'on est perdu. Je ne sais pas exactement comment l'exprimer. Mais j'aimerais le dire partout. Notre société est décadente. C'est génial. Mais ça signifie aussi qu'elle touche bientôt à sa fin. On fait la fête.

Tout le temps.

Mais bientôt le soleil se lèvera. Et il ne nous restera plus qu'une gueule de bois. Et un envahisseur chinois. De nouvelles hégémonies. Et nous serons pauvres avant d'être mort. C'est comme ça. Profitons-en. C'est le moment où votre hôte annonce que c'est la dernière bouteille de rhum. Soit vous êtes déjà parti parce qu'il y a le petit tout ça. Soit vous êtes déjà quasiment dans le coma. Soit vous n'arrivez pas assez vite au bar. Parce que moi j'y suis. Déjà.

Je fume toujours. Je commence seulement à me poser des questions. Reste de cette crise. Conscience nouvelle de ma mortalité.

C'est clair.

Maintenant, j'ai peur de tomber. Maintenant, je dois m'étirer. Et j'ai quand-même mal.

Certains amis m'ont quitté. Ce n'étaient sans doute pas des amis. Et l'hémorragie continue. "Elle transforme les pavés en îlots". Et quand j'y pense. "Trois mille six cent fois par heure, la seconde chuchote "Souviens-toi", rapide, avec sa voix d'insecte". Alors, j'essaie d'extraire l'or. De chaque minute. Et me rends compte au même moment que je perds mon temps. A écrire ce texte.

Illisible.

Ca faisait longtemps que je n'écrivais plus. Je ne peins plus. Non plus. Je ne tire plus. Non plus. J'fais l'ménage. J'ai l'temps. Et je rêve de nouvelles gloires. Un plan en trois étapes. C'est ça être adulte. Faire des plans. Un roman. Il parle de culpabilité. Et de crises d'identité. Et sinon, un gosse. Parce que j'aurais échoué. Echoué à n'être pas tout le monde. Tout le monde est tout le monde. Je voulais être Autre. Ou au moins un autre. Alors un gosse pourquoi pas. Et espérer que lui, peut-être, elle, peut-être y parviendra. Il-elle n'est pas encore là. Et je projette déjà. Comment ne pas mieux se fondre dans le moule.

Pathétique.

De parler encore de moule.

So cliché.

Les seules qui restent sont celles des films pornos. Ils ont fini par me dégoûter. J'ai des bouffées de mélancolie. Dès qu'une fille me plaît. Et il y en a. Même plus besoin du soleil. Pour afficher des cadavres libidineux. A l'érection s'est substituée la dépression. Même pas un film érotique. Je me dis ça sert à quoi. Cette fiche est aussi un blasphème. Je m'en rends compte. Un blasphème à deux lois. Que je respecte scrupuleusement. Toujours. "Mais" ne s'utilise jamais en début de phrase et est toujours précédé d'une virgule. "Et" ne peut jamais être précédé d'une virgule et n'est jamais utilisé en début de phrase. Trop dur la vie. J'ai tant de chose à dire. Et personne pour m'entendre.

Non.

Peut-être n'ai-je rien à dire en fait. Si je devais me suicider, je ne me tuerais pas. Je disparaîtrais. Je prendrai mon automobile. Et je partirais vers l'Est. Vers l'Est parce que c'est la plus longue route possible.

Pour disparaître.

Et sans justification, s'il vous plaît. Juste comme ça.

Pfiout.

Ce n'est pas encore assez long. T'en veux encore. J'en ai. Derrière mon front des images. D'Afghanistan. Du Kosovo. Beaucoup en ce moment. De Venise. De Paris. D'Amsterdam. Vous ne pouvez vous empêcher. De marquer le point. De Sicile. Des Pouilles. D'Islande. D'Espagne. Et bientôt peut-être, j'aurai conquis le dernier continent.

Des choses de moi.

J'ai grandi à trois endroits. Me souviens pas. Un déménagement à tête de turc. Puis le nouveau est arrivé. Essayé de poser durant l'adolescence. C'est pas fini. La pose. Pas l'adolescence. Mais j'essaie d'arrêter. De consommer. J'en ai marre d'avoir.

J'EN AI MARRE D'AVOIR.

Je veux être. Seulement. Ca ressemble à un slogan. Je suis con. Je veux être moi-même comme tout le monde. Rien ne me distingue. C'est peut-être pas si fini. Toujours là.

J'y pense. Il est impossible de ne pas polluer. Il est impossible d'arrêter le réchauffement climatique. C'est la société qu'il faut changer.
Violons.
Si je vais au boulot à vélo. Si seulement c'était possible. Je rejetterai tout de même de l'oxyde de carbone. En plus je devrais me laver. A l'aller. Et au retour. Donc je consommerai encore de l'eau et du gaz ou de l'énergie pour la chauffer. Vous croyiez qu'il y avait des solutions ? Il n'y en a pas. Le gouffre. La fin. Mais quand tout sera fini. Nous vivrons de notre jardin. Et il y en a qui trouveront ça bien.
Violons ?

Violons.

Ca sonne bien. Ca tombe bien. Que n'avez vous appris. 30MLiègecommeondisait. Pas vraiment dépassé. Le Net est toujours infesté. Suffit de vous demander pourquoi vous êtes ici. C'est l'Human Nature. Je veux dire vous retourner sur vous-même et vous poser sincèrement la question. Peut-être êtes-vous encore capable de dépasser votre mauvaise foi. C'est drôle. Je croyais que je n'y arriverais pas. A vous tenir jusqu'ici. Si ça se trouve. Le seul capable d'y tenir. Mourra au milieu de sa lecture. Ce sont des choses qui arrivent.

Un moment on est vivant.
Et l'instant d'après.
Mort.

"Pour oublier, je dors".

C'est comme ça. Nous ne serons jamais [en train de] mourir. Ou alors nous le sommes tout le temps. Et on attend. Il y a un train qui passe sous chez moi. Je l'sens pas. Y a un rempart pas loin. Y a mes voisins Ghanéens. Puis Italiens. Le musicien. L'épicerie du coin. Les feux. Les coups de feux. Même pas peur. J'ai entendu atterrir des roquettes. Et exploser des mines. Suis un homme. Plein de défenses.

Mon père m'a demandé si je me sentais capable de tuer quelqu'un.

J'ai dit oui. Je suis entraîné pour. Mais après tout. Je ne le saurai qu'au moment venu. Et advienne que pourra. Me demande ce que ça lui a fait. D'entendre ça. Ainsi qu'à ma pauvre maman. Que je comprends bien mieux maintenant. Tu ne vois toujours pas qui je suis. Si la fac pouvait toujours résonner de mes pas. J'y erre parfois. Un vrai fantôme. Inquiétant. Sûrement. Dans mon déguisement. Mon chef de service fait semblant de travailler. Ma supérieure aussi. Moi aussi, j'ai pris le pli. Y a que le pti nouveau. Mais il parle déjà de nous quitter. T'as bien raison. Il n'y a rien à faire ici. Sinon, s'assurer. Je croyais d'ailleurs qu'il n'y avait que dans les milieux ouvriers. Qu'on écoutait Radio Contact. Qu'on regardait RTL-TVi. Et qu'on était fan de Johnny. Je vends mon âme. Sur l'autel de la consommation. J'avais cru prendre le contrôle. C'était il y a longtemps. Mais me voilà esclave. Du pognon. De mes relations. Des conventions. Me restent plus que les séries événements. Trop tard peut-être. J'ai vu deux saisons de Nip/Tuck. Et souvent j'ai failli pleurer.

"Mon pauvre ami".

C'était justement ma nouvelle expression.

Victime.

Encor.

De son temps. Elle m'a demandé "Quand donc te reposes-tu ?". Je lui ai dit "Quand je dors". C'est logique. Le reste, c'est de l'or. Comme susdit. Quand je commence à me répéter. C'est qu'il est peut-être temps de m'arrêter. Comme une métaphore de la sénilité.

Alzheimer littéraire.

Pasticcio poétique.

vendredi

Vienne












En connexion directe avec mon inconscient bourré de préjugés – votre cerveau l’est tout autant, faites pas les malins –, si je pense Vienne, je pense Sissi, Freud et Hitler. Super. Si j’étais resté dans ma chambre d’hôtel, à mater les chaînes soit-disant porno – elles diffusent uniquement des pubs pour des lignes roses et parmi la centaine d’éro-canaux proposés, oui je les ai tous passés en revue, il n’y en a que deux qui ont des images animées (le reste étant une succession ennuyeuse des photos) et l’une des deux n’était peuplée que des vieilles flasques – n’aller pas bander à imaginer des superbes milfs, hein, non, c’étaient des Autrichiennes avec des tresses blondes, de la cellulite et un ventre qui avait dû connaître trois grossesses.

Bref, si j’étais resté dans ma chambre d’hôtel, j’aurais imaginé une ville de honte et de culpabilité enfouies sous des palais baroques et des cabinets de psycho bling-bling. Comme j’étais là pour participer à une conférence et que les chaînes pornos n’en étaient pas vraiment, il m’a bien fallu sortir. Je vous passe les détails de la conférence ?

Pour ce qui est de la honte et de la culpabilité, je crois bien que certains Allemands sont guéris – peut-être grâce aux cabinets de psycho, d’ailleurs. Oui, je sais, je fais un amalgame douteux en assimilant Autrichiens et Allemands. Les premiers diront sans doute qu’ils n’avaient jamais voulu l’Anschluss, tout ça et que c’est pas leur faute, mais désolé, ça sert mon propos. D’ailleurs, tant mieux pour eux si le passé n’a pas l’air de les complexer. Je ne vois pas pourquoi ils devraient porter les croix de leurs aïeux. Même s’il faut pas oublier et tout le blabla de la mémoire, évidemment. Un médecin allemand, donc, pour engager la conversation, m’annonce qu’il est en train de lire un bouquin – notez la délicate entrée en matière – sur les génocides. Lecture transcendante, à n’en pas douter. Il me relate que les trois principaux génocides de la deuxième moitié du vingtième siècle ont eu lieu dans d'anciennes colonies belges, avec le sous-entendu grossier de notre responsabilité dans ces événements. Bon, on comprendra aisément que je n’aie pas souhaité entrer dans le débat. J’aurais pu parler de la guerre en ex-Yougoslavie, qui n’a jamais été, à ma connaissance, une colonie belge. J’aurais pu aussi, pour le plaisir de la disputatio, parler de certains millions de juifs exterminés, même si ce n’était pas dans la deuxième moitié du vingtième siècle (peu s’en est fallu). Étant de nature complaisante, j’ai simplement dévié la conversation sur des généralités stupides concernant les conflits ethniques.

Plus que m’en apprendre sur les Allemands – je ne suis pas dû genre à faire des généralisations abusives – cette petite conversation m’en apprends sur moi-même et sur mes préjugés. C’était justement un des thèmes de la conférence, qui portait sur les contacts inter-culturels dans la société globalisée. Un de mes préjugés est donc que les Allemands répugnent à parler de guerre ou d’atrocités. Ok, je vire donc ça de ma liste mentale d’associations foireuses. Quoi d’autre ?

Les Autrichiens ont plutôt confirmé les leurs. Je vois l’Autriche comme un pays très attaché à son folklore. D’ailleurs, en écrivant ces lignes, assis à la terrasse d’un bar à cocktail, je fais face à un mec, un peu plus de la vingtaine – accompagné d’une blonde à saigner des yeux – qui porte sans en avoir l’air des chaussettes jusqu’au genou – dois-je dire des bas ?– en laine verte et d’un bermuda en cuir qui résonne encore des claquements du Schuplattler.

Puisqu’il n’y apparemment ni honte ni culpabilité dans les sous-sols de Vienne, qu’y trouve-t-on ? Des clubs qui sentent bon les alpages. Je ne sais pas trop comment je me suis laissé embarqué par cette bande de Brittaniques, mais il est clair que l’endroit était pour le moins pittoresque. À notre arrivée, la piste était occupée par deux couples en chemise blanche et bretelles rouges dansant sur une chanson germanique peut-être contemporaine. Le décor était plaqué de bois naturel sur lequel on avait accroché des roues de charettes. Un poster géant illustrait des vaches paissant paisiblement sur une montagne verte. Quand j'y suis arrivé, j'ai cru à une blague, mais nous avons finalement passé toute la soirée dans ce trou tyrolien.

Les Britanniques se sont également comportés comme je m'y attendais. Quand ils m’ont invité à me joindre à eux, je me suis dit Ouch ! Je vais être bourré ce soir ! En effet, ils ont bu comme une plaine de lychen écossaise après deux jours sans pluie. En même temps, s’ils avaient une image des Belges comme étant des soiffards, je ne les ai pas démentis, car je les ai suivis. J’ai fini dans un état inénarrable, mais c’est tout de même moi qui ai été garant du retour de Liam, Irlandais, 100Kg, jusqu’à son hôtel.

Ils m'ont proposé de les accompagner à nouveau ce soir, mais mon avion décolle à 9h30 demain. Je dois me lever à 5h30... C'est dangereux, mais que peut-il arriver quand on manque son vol ?

Vienne

Septembre 2009