mardi

Karma Coma Jamaïca Aroma















Bon. Cette histoire du mec dont on se rend compte après vingt-trois ans qu'en fait il était pas dans le coma, mais piégé dans un locked-in syndrome et qui communique maintenant grâce à un écran d'ordi. Vous y croyez-vous ?

Alors d'avance, pardon à la famille, tout ça.

Mais bon. Je remets pas en question l'étude du professeur photogénique qui semble bien aimer l'objectif. Ouais, c'est bien possible. Peut-être bien que le pauvre gars est pleinement conscient.

Ce que je mets en doute, c'est la technique utilisée pour le faire "parler". Y a une logopède qui lui tient le doigt et qui, je cite sent Rom* qui guide sa main par une légère pression de ses doigts et qu'elle sent s'opposer quant elle meut sa main vers une lettre incorrecte.

Merde, c'est évident. C'est ce qu'on appelle de la communication facilitée. Comme un gobelet de ouija qui se dirige, guidé par le fantôme, vers les lettres du scrabble qui vous indiqueront où le vieux a planqué son héritage. Mais vous avez quel âge ? Maturez-donc bande de bébé lala.
C'est la logopède qui parle, pas le pauvre Rom.

Allez quoi. Après vingt-trois ans, après vingt-trois putain d'année, on ne sait même plus parler. On ne sait même plus ce que c'est qu'une lettre, quoi. Moi, quand je dors un peu trop longtemps, je sais même plus articuler.

Alors imaginez écrire un livre !

(me demande bien qui touchera les royalties)


*notez le détail troublant : Rom = read-only memory, mémoire morte en français.

mercredi

Downward spiral



















De tous les matins, ce sont les pires.

Et les nuits qui vont avec. Apparemment, j'ai eu la présence d'esprit de réclamer une bouteille d'eau à côté du lit. Et un seau aussi. La brulûre de la soif a failli emporter ma langue et fendre mon palais, mais à aucun moment je n'ai eu la force de faire le moindre mouvement. A deux doigt de ma tête une hydratation salvatrice. Mais pas de force. Et le moindre mouvement aurait désintégré mon pauvre corps. Non, je crois plutôt qu'il se serait dissout et qu'une pâte effervescente aurait percolé à travers les draps, le plancher et jusqu'à ma maison j'aurais coulé.
De toutes les nuits ce sont les pires.

Et les matins qui vont avec. Se réveiller dans un lit inconnu, à côté d'une chaleur inconnue. N'avoir qu'une envie celle de fuir. Quelque chose a dû se produire. Mon coude gauche est bleu, endolori et griffé. Vague souvenir de chute dans les escaliers. Mon pouce droit à l'air cassé. Et cette impression poisseuse d'avoir posé des actions honteuses.

La chaleur se retourne dans le lit. Tout près trop près. Continuer à faire semblant de dormir et dès que possible fuir. J'ai rêvé que je prenais un bain dans une baignoire remplie de bière. Non sens. Comme d'habitude. La chaleur prend sa douche. Dans la caverne de mon crâne, l'écho de chaque goutte forme autant de chauve-souris hurlantes. Je me jette sur la bouteille d'eau. Bois trop vite. Et le bloc de gaz qui tombe dans mon estomac me plie comme une feuille de papier. Ne pas subir, tenir et fuir. Elle se savonne en chantonnant.

My body is a cage
That keeps me from the one I love
But my mind holds the key

Fuir fuir fuir. Boutonner la chemise froisée - jeudi avec mercredi. Nausée en enfilant le pull en laine de nicotine. Tomber en enfilant la deuxième jambe des jeans. Mais à qui diable est cette ceinture sur mon pantalon ? Sentiment poisseux. Quels actes honteux ? Pas réfléchir, fuir.

- Tu te barres déjà ?

De tous les matins, ce sont les pires. La chaleur fait barrage à la sortie de la douche.
Ses seins sont magnifiques.

lundi

Lièvagination















Nous ne sommes pas comme ces connards du New Jersey avec leur femme blonde qui apporte des cupcakes aux deux enfants -un garçon et une fille - qui jouent dans le jardin avec le labrador.

Nous sommes plutôt genre Valeureux Liégeois. Du genre à envoyer les pontes d'un Comité de Baptême pour aller dire à l'envahisseur notre façon de penser. De le défier. Et d'espérer qu'une guerre pourra se régler à l'à-fond et autres braillement de chanson.

Bourgignon pédé, Bourguignon pédé, Bourgui-, Bourgui-, Bourguignon pédé !

Je crois qu'on boit trop dans cette putain de ville. Je crois qu'on aime trop la bonne chaire. Je crois qu'on exagère.

Et voilà comment trois débiles avinés se retrouvent en haut de la citadelle de Dinant, à montrer leur cul à Charles le Téméraire, à le traiter de cocu.

Voilà comment la ville fut mise à sac pendant sept semaines sans interruption - en fait, sept jours, mais mon pote historien était raide. Comment toutes les femmes furent violées, les enfants enlevés, les habitants jetés en grappe dans la Meuse pour y être noyé, comment tout bâtiment fut brûlé et rasé jusqu'à ses fondations. A la fin, il ne resta de Liège que trente deux maisons. Et les églises évidemment. Les Bourguignons avaient été jusqu'en dans les forêts environnantes pour traquer les habitants.

Le Liégeois a cette particulière particularité. Il cherche régulièrement à se faire latter les couilles, mais parvient toujours à s'en relever.