mercredi

Vivre modérément vite, mourir modérément jeune et faire un cadavre modérément beau.

mardi

Da Da Da














C'est en faisant quelques recherches sur la
Neue Deutsche Welle que je suis tombé sur ce clip. Dès les premières notes (qui sont aussi les dernières et le corps même de cette chanson au rythme compulsif), j'ai retrouvé les sensations de ce que j'identifie à présent comme mon souvenir le plus ancien.

Même si cette mélodie répétitive ne m'avait jamais vraiment quitté, je ne me suis rendu compte qu'aujourd'hui que ce clip datait de 1982. Je n'avais alors que trois ans. Pourtant, je vois encore le visage de ma mère, de mes tantes et d'autres membres de ma famille qui m'encourageaient à répéter "
Da Da Da !" encore et encore. Je ne parlais pas encore un français correct, mais mon premier amour musical était un refrain en allemand du groupe TRIO : "Ich Lieb Dich Nicht Du Liebst Mich Nicht". Paroles qu'encore aujourd'hui, je suis incapable de prononcer. Je me vois même poser comme le chanteur, raide, mais souriant de répéter "Da Da Da !", pour le plus grand bonheur de mon public adulte d'alors. Et heureux de les rendre heureux, je répétais encore et encore "Da Da Da !".

Ma
Madeleine de Proust est une chanson allemande minimaliste, basée sur une mélodie composée sur un synthétiseur Casio VL-1 bon marché.

jeudi

Liberté
Par où aller maintenant
Refuser tout courrier
Prendre l'ascenseur en pleurant

dimanche

Cartes Postales














BRUGES

L’incendie sur le Pier

Fait danser les navires

Mais du haut du Béfroid

On ne voit que les chutes

Probables.


AMSTERDAM

D’Amsterdam, je n’ai vu que le port.

Jacques avait raison, les marins y chantent.

J’en ai profité pour faire valser la Flandre.


CAP BRETON

L'océan déferle comme des portées 4/4

Avance à mesures carrées

Au Penon, j'écoute les blanches de l'écume

Humide et défait dans ma combinaison 3/2

Et j’imagine les filles du pays

Dansant le Vertebreak

En l'honneur des surfeurs noyés

Le dos brisé

Par le short break.


LIEGE

Noyer la mort

Dans l'ivresse et l'insomnie.

mercredi

Correspondance VII : dernières nouvelles

Hey !

Ton mail tombe à pic et ce, à au moins deux points de vue.

Premièrement, je me fais chier comme un rat mort en ce moment. C’est la dernière semaine, donc plus d’activité digne d’intérêt et glandage forcé en attendant la fin. Aujourd’hui, par exemple, j’ai passé toute la matinée à préparer mon coffre et le matériel à remettre. Occupation qui n’aurait pas dû prendre plus de deux heures, mais que j’ai volontairement fait traîner histoire de remplir du temps. Puis l’après-midi, j’ai regardé le film Thirteen (passable, mais pas digne d’être critiqué), j’ai mollement lu, bu du machiato, re-lu mollement et siesté un peu. Si je m’étais laissé aller, j’aurais repassé mes vêtements pour la deuxième fois… mais faut pas pousser.


Deuxièmement, je n’osais te relancer. Comme c’était le silence radio suite à ton dernier mail annonçant que tu allais présenter ta défonce (sic), je craignais que cela ce soit mal passé et n’avais pas trop envie d’aller jeter du sel sur une plaie oculaire.

Cela dit, je comprends bien que tu eusses ( ?) besoin d’un repos bien mérité après les efforts intenses des dernières semaines.


Du coup, je n’ai même pas pris la peine de te souhaiter un joyeux anniversaire en date utile. Voilà qui est fait.


Bon. Je retiens de ton brol qu’ils ont noté des améliorations substantielles et que ça devrait aller. Gardons ça à l’esprit pour l’instant. Quand reçois-tu les résultats ? Si c’est suffisamment tardif, je pense qu’on pourra lancer une soirée intitulée What Do A Freshly Graduated Historian And Freshly Back Executive Have In Common? La réponse étant une sacrée volonté de se mettre minable, évidemment.


Pour pas écrire deux fois la même chose, mais pour te raconter tout de même mes aventures, je te transmets en fin de mail et en exclusivité intersidérale le prochain post de mon blog, intitulé Скопжэ (Skopje and all that could have been). En vrai, il a été écrit sur un rouleau de papier Scotex dans une chambre dépouillée d’une installation de l'Organisation à Petroveć (Macédoine). Les coupons molletonnés seront bientôt encadrés et affichés sur le mur de mes toilettes (ndla : c'est fait !). Spoiler Alert : à la fin, je ne baise pas.

Le fait est, je ne pense pas t’en avoir parlé plus tôt, que j’ai dû me priver de blog durant toute la période. En effet, le Senior Executive, qui est aussi responsable de la communication externe, a exigé de tout le personnel qu’il lui fournisse les adresses de blog, de profil sur des sites de socialisation, etc. pour pouvoir effectuer un coup de sonde de temps à autre afin de s’assurer que personne ne mentionne des données confidentielles et/ou ternisse l’image de l'Organisation par ses propos, photos and so on.

Comme j’avais pas trop envie que mon entourage professionnel prenne connaissance de mes élucubrations (ne pas passer pour l’énergumène louche de service demande parfois des sacrifices, eh oui), je n’ai pas mentionné l’existence de mon blog. J’ai juste signalé que j’étais inscrit sur MySpace, mais comme il n’a pas pensé à le demander, je ne lui ai pas fourni mon pseudo. Je doute qu’il soit tombé dessus (mais au cas où, paranoïa oblige, j’ai tout de même temporairement effacé toute trace du blog et du roman sur ma page MySpace). Et pour être sûr de ne pas être tracé - paranoïa, je te dis - je n'ai pas mis les claviers sur Blogspot de toute la période... enfin, si, une fois, je ne tenais plus, j'ai voulu voir s'il n'y avait pas de nouveau commentaires, sait-on jamais. Il n'y en avais pas, évidemment... et j'ai immédiatement effacé toute trace de mon forfait en supprimant les cookies, l'historique, les temporary files, etc.

Là-dessus, à très bientôt,

dimanche

Ris doucement de moi














Errer dans Bruxelles.
Y défier le lion des rues.
Un ricanement dans les tympans.
Au milieu des arbres, des bancs et des zombies joggant,

Je mélange
Tout

Cinq hommes alignés devant une spécialité.
Sujets des moqueries.
Et chaque jour cette bague qui manque à leur doigt.
Ris doucement de moi.
Au restaurant,

Je mélange
Tout

Admettre qu’on vit dans une bourgade insignifiante.
A peine vivante.
Notre patelin n’est pas assez violent !
Pas assez de cette saine hostilité.
Assez de ce ricanement !
Dans la foule des navetteurs pressés,

Je mélange
Tout

Sans miroir, le regard de l’autre vous parle enfin de tout son poids.
Ecrase-moi.
Ris doucement de moi.
Hier, c’était peut-être ma chemise de traviole.
Aujourd’hui, probablement une tache de sauce sur mon col.
Demain sans doute un écoulement de sperme à l’entre-jambe.
Sur la Grand-Place bondée,

Je mélange
Tout

Errer dans Bruxelles.
Y chasser les souvenirs comme on chasse le fauve.
Les tuer !
Ris-tu encore doucement de moi ?
Les abattre chaque fois qu’ils tentent de se jeter à votre gorge.
Ris tu encore ?
Tirer une dernière fois.
Ris-tu ?
Dans la jungle,

Je mélange
Tout

jeudi

La vie dans les bois














On a tous rêvé d’un Walden. Je me souviens avoir découvert mon premier vers 11 ans. C’était une petite vallée encaissée, avec un ruisseau en son fond, à trois coups de pédale de chez moi. Je m'y étais arrêté pour boire, au détour d’une randonnée en VTT. Le vent dans les feuillages, le chant des oiseaux, l'absence de toute trace humaine (oui, je sais, tout ça est un peu neuneu) m'ont amené à faire mes plans. Il y aurait de l’eau fraîche toute l’année, j'apprendrais à chasser et je me construirais une cabane avec les arbres de cette petite forêt.
Par la suite, j’ai souvent recherché cet endroit, par pure nostalgie, mais jamais je ne l’ai retrouvé.

Walden est le nom de l’étang à côté duquel Henry David Thoreau a vécu pendant deux ans, deux mois, deux jours. Le récit que Thoreau fait de cette expérience est un véritable manuel du retour à la nature. Il décrit très précisément le matériel sommaire dont il dispose, la façon dont il travaille la terre, chasse et pêche pour subsister. Son aventure est à la fois une critique du monde occidental du XIXème siècle et un hymne épicurien à la nature, aux saisons, aux plantes et aux animaux. Ces choses qui sont pour lui “l’envers de ce qui est au-dedans de nous”.

Cette idée d’une vie au sein de la nature ne m’a jamais vraiment quitté, mais par paresse purement citadine, post-moderne et occidentale, je me suis souvent convaincu qu’une telle vie n’était pas possible au XXIème siècle. Cela reste un fantasme au fond de mon esprit, tout comme son radical opposé qui serait de gagner à l’euromillion est de vivre de mes rentes.

Mon rêve d’enfant est remonté à la surface aujourd’hui par une de ces mystérieuses connexions neuro-nodales qui éclatent soudainement dans notre cerveau. Je crois que c’est l’installation récente d’un groupe de squatteurs dans mon quartier qui m’a fait réfléchir aux modes alternatifs de vie, aux modes de vie en dehors de circuits vulgaires de la consommation frénétique et dépendante.
Cependant, j’ai tendance à penser que ces squatteurs restent dans l’erreur. Même s’ils proclament l’auto-gestion, ils restent dépendants de l’argent sur un point essentiel à leur survie : la nourriture. D’une façon ou d’une autre, ils doivent gagner (trouver, mendier) de l’argent pour s’acheter de quoi manger et boire.
Une preuve de l’impossibilité d’une vie autonome ?

Un groupe d’anarchistes/communistes – ils ne se définissent par très bien eux-mêmes – a fait parler de lui par la publication d’un pamphlet sulfureux qui leur a été attribué. Ces neuf de Tarnac squattaient auparavant à Paris, mais peut-être se sont-ils rendu compte des dépendances et des limitations à leur liberté qu’occasionnait l’emprisonnement dans une métropole. Ils ont donc choisi de s'installer à Tarnac, un petit village rural du Limousin. Ils y vivent en Commune et travaillent la terre pour survenir à leurs besoins. Pas mal comme retour à la nature, mais l’indépendance ne semble pas encore totale. En effet, ils tiennent deux bars dans le village, ce qui semble démontrer une fois de plus qu’une rentrée de devise, sous la forme d’un travail, est inévitable pour survivre au XXIème siècle.

Et pourtant.

Le témoignage de Dolly Freed raconte comment elle et son père ont vécu avec 700$ par an (autant dire rien) sur un terrain d’un demi-hectare à une soixantaine de kilomètres au nord de Philadelphie et ce, en maintenant les apparences de la classe moyenne. Tout comme Thoreau, elle explique, étape par étape, comment mener à bien ce projet. Élever des lapins et des poulets dans une cave, attraper des pigeons avec des pièges à rats, distiller son propre alcool, régler les questions de logement, de transport, de santé, de législation,… Tout cela devient possible sans pour autant passer pour un hippie, un anarchiste ou un illuminé.

Quelle excuse me reste-t-il maintenant ? Si ce n’est le confort de vivre comme un gitan de droite…
Pourquoi ne pas retourner à la nature et vivre comme les bêtes que nous sommes ?

mercredi

Correspondances VI : sémio-sexo-cinémo-webo et autres mots














Hey ! (ouais, je signe ici l’arrêt de l’escalade de l’élégance, j’imagine que j’aurais de toute façon fini par perdre, si ce n'est pas ce que j'admets précisément à l’instant… merde – cela dit, cher confrère, tu sais comme je suis toujours eager des projets inutiles qui ne sont jamais menés à leur terme et propose de nommer notre société la Procrastinationnale. Greffier ! Veuillez prendre note !).


Quelques précisions sémiologiques tout d’abord. Comme toute société, l'Organisation à sa culture d’entreprise, marquée entre autre par un vocabulaire qui lui est propre. En tant que grande entité, elle est même composée de micro-cultures spécifiques à chaque division exécutive (OpsDiv, FinDiv, PersDiv, etc.), chaque service, chaque bureau et jusqu’au niveau le plus bas (parfois, dans tous les sens du terme) : l'équipe, composée d’une petite dizaine d’hommes.

Ainsi donc, chez les OpsDiv, une cale désigne une chambre dans laquelle on branle l’ours (glander) faute de s’y tramer(dormir). On ne mange pas au self-service, mais au salad-bar.

Je n’ai donc pas été mis aux fers à fond de cale (ce qui, j’imagine, se comprend mieux chez les PersDiv) pour une quelconque rébellion, mes seules fautes étant culturelles, justement, et non corporatistes, lorsque, par exemple, j’écoute Bréval en faisant du sport plutôt qu’une compilation des derniers attentats de Guetta, Sinclar et autres Black Eyed Peas ou encore du meilleur du best of du Cherry Moon, période 96-décembre 99 quand la bonnasse de Waremme avait fait son strip show sur le podium principal.


Et justement, en parlant de culture corporatiste et de nivellement par le bas – si si, j’ai indirectement évoqué ça dans le paragraphe précédant -, je crois que je vais rédiger un essai qui devrait s’intituler De l’avantage sexuel des brutes en milieu international.

J’ai pu remarquer, au bar, l’aisance que certains avaient à lancer des boutades aux jolies serveuses et à récolter en gratification des rires cristallins et des sourires aussi appuyés qu’érectiles.

Me suis dit, ah ! elles ont l’air assez open, finalement, moi aussi je veux du contact libidinal !

Sans doute, mais ça ne se fait pas n’importe comment.

Chacune de mes tentatives s’est soldée par un rire gêné et j’ai donc du retourner dans ma cale pour méditer sur ces cuisants échecs.

En voici la raison : je parle trop bien le français pour une interlocutrice dont le français se limite à :


- Bonjour, un maccchiato, s’il te plait (parce que oui, la brute tutoie les serveuses et appelle les serveurs Chef)


- Un euro s’il vous plaît.


- Voilà.


- Merci.


Donc, lors de mes expériences misérables, la tournure inutilement alambiquée de mes phrases la contraignait à faire montre de son ignorance et à répondre Quoi ? une première fois, une seconde et d’enfin sourire de mal aise pour se soustraire à cette situation embarrassante.

La brute ne se fatigue pas à réfléchir à ce qu’il va dire. Il n’en est pas capable, par définition. Il lance un Toi, femme beau cul (bon, j’exagère juste un peu, je suis frustré) et elle en rit. Elle en rit parce qu’elle comprend et qu’une communication est alors possible.

Diantre.

Chié.


J’ai terminé les Cerfs-volants de Kaboul. Si c’est la guimauve qui te faisait peur, tu peux franchement y aller, on n’est pas du tout là-dedans. Certes, il y a du sentimentalisme, c’était inévitable, mais c’est tellement bien amené que ce n’est pas écœurant. Au contraire.

Peut-être que le fait que je connaisse un peu – juste un tout petit peu – l’Afghanistan et sa situation a aidé à une lecture passionnée du roman. Il y a des endroits que j’ai vu de mes propres yeux, des toponymes que je peux au moins replacer sur une carte et même des noms de personnes qui jouent encore aujourd’hui un rôle dans le pays. Tout ça rendait le récit particulièrement vivant, évidemment.

Je crois que ça m’a fait du bien aussi personnellement de pouvoir nuancer un peu l’Afghanistan et sortir des schémas imposés par mon métier, mais également par la lecture de l’actualité.

Sur ce dernier point, je crois que ça ferait du bien à tout le monde d’en apprendre plus sur Kaboul et sa vie avant 1975.

Donc, hop hop hop, tu sais ce qu’il te reste à faire.


De la même façon que, quand je suis tombé sur la collection de DVD de nos G.O., je n’avais pas pu résister à la tentation de revoir Ex-Drummer, j’ai également succombé à l’appel d’un quatrième visionnage de Der Directøren for det Hele.

Je te rassure Le Direktør ne fait pas partie du Dogme. A vrai dire, seul Les Idiots est un film de Lärs von Trier qui satisfait à ces préceptes. Contrairement à ce que l’on pense souvent, Festen n’est pas de ce dernier, mais de Thomas Vinterberg, mais je ne t’apprends peut-être rien.

Le Direktør est une comédie et elle a ceci de magistral qu’au plus que tu la vois, au mieux qu’elle te fait rire. Vraiment. Il faut simplement passer un peu au-dessus de la mise en scène parfois déroutante. En effet, le réalisateur a laissé à un ordinateur le soin de choisir les prises de vues, les cadrages et les prises de son.

L’histoire est celle de Ravn, un patron qui fait semblant d’être un simple employé de sa propre boite parce qu’il a un besoin maladif d’être aimé des gens. Pour ne pas être la cible du mécontentement lorsqu’il doit prendre des décisions impopulaires, il a inventé de toutes pièces un boss (le Directoren for det hele) qui vivrait aux Etats-Unis et dirigerait l’entreprise à distance, passant par Ravn pour faire des communications.

Avide de profits, Ravn veut vendre sa société, privant ses partenaires de leurs dividendes, de leurs droits sur un brevet important et leur faisant perdre leur emploi par la même occasion.

Malheureusement, l’acheteur veut rencontrer le Directeur. Ravn fait alors appel à Kristoffer, un acteur au chômage, fan d’un certain Antonio Stavro Gambini, véritable prototype du loser, pour incarner le Boss.

Les maladresses de Kristoffer et les besoins affectifs de Ravn conduiront à d’inévitables catastrophes et situations cocasses.

A voir absolument, mec.

Hop hop hop.


Merci d’avoir attiré mon attention sur un phénomène internet que je ne connaissais pas encore (ouais, désolé, à mon avis je dois avoir 13 de niveau de geekitude) : les Lolcats. Bon, je ne vis pas mieux, je ne suis pas plus heureux ni plus intelligent depuis que j’en ai appris là-dessus, mais mes recherches m’ont amené à découvrir d’autres mèmes virtuels que je ne connaissais pas (ainsi qu’à enfin comprendre ce qu’est un mème), mais aussi à tomber sur une source de demotivational posters.

Merci donc.


By the way, comme je n’avais pas répondu à cette question, je crois, je ne sais toujours pas ce qu’est un Torrent. Oui, j’ai honte (13 points, j'te dis).


J’ai terminé la lecture de ton mémoire. Bon, je te mentirais si je te disais qu’il m’a passionné jusqu’au bout – mais j’imagine que ce n’est pas une surprise – mais il a tout de même été plein d’enseignements partagés dans des mails précédents.

C’est pour quand la défense ?


cu,


Piacoa.


PIENO

lundi

Non non non, mes mains ne sont pas tombées


à Carne











Mes mains palpaient l'Océan
s'y enfuissaient profondément

Aujourd'hui l'inévitable dépression
du soleil sans

le bruit des vagues
du soleil sans

la réverbération
du soleil sans

écume extatique

Du soleil
Sang dont ne voudraient les moustiques

Du soleil
S'emmerde le poète

Le beau temps ne vaut rien
Si l'on y vit pas l'euphorie

dimanche

Je crois









Je suis sur la Côte. La mer s’est retirée et je dois marcher quelques temps avant d’effleurer l’eau du bout de mes chaussures. Je passe un premier sillon dont le courant prétend que la marée est descendante. Je bondis au-dessus d’un second, auquel je ne fais pas vraiment attention.

Arrivé à destination, j’écoute un moment le ressac. Finalement, la mer monte. Je ne suis pas exactement entre chien et loup. Pas exactement entre Charybde et Scylla. Disons que je suis entre deux eaux.

Je m’installe entre mes écouteurs. Partage une cigarette avec le vent.

Encore heureux qu’il y a la mer. Pour dissoudre les pensées dans son eau salée. Face au rivage, je ne pense plus. Je crois.

Je crois…

Je crois qu’il ne faut écouter Sigur Ros que face au rivage gris. Les semelles à quelques centimètres de l’écume. Sans jamais se laisser surprendre. Par la marée montante.

Ceci est valable pour Bjork également.

Je crois…

Je crois que l’entropie vient des hommes. Le chaos, des femmes. Ça pète toujours mieux que Les Femmes viennent de Vénus et les Hommes de Mars, non ?

Je crois…

Je crois que les Flash Mobs sont un signal fort lancé aux gouvernements. En un instant, nous pouvons nous mobiliser. Avec une même idée. Et une homogénéité dans le mouvement.

Pour l’instant, ce n’est qu’une danse. Pour l’instant.

Je crois…

Je crois que je divague face aux vagues. Encore heureux que j’aie dû partager cette cigarette avec le vent.

La marée montante s’engouffre à gros bouillons dans le sillon. Je cours pour trouver un gué. Crois stupidement que les remous provoqués par le vent m’indiquent une eau moins pronfonde. Et traverse en transformant mes jambons en salaison.

La serveuse du restaurant ne sourcille même pas à mes chaussures couinantes et dégoulinantes. A la fin du repas, elle me laissera son numéro. Un numéro sexy, qui commence et se termine par zéro. Elle désire mon entropie. Je goûterai son chaos.

samedi

Chainsaw Love Violent Hermaphroditis














Un peu de violence dans ce monde de tendresse.

Je rêve d'une rupture d'anévrisme. Je rêve de sombrer subitement dans le néant. Complètement. Dans mes moments les moins radicaux, j'espère juste m'évanouir. M'éteindre. Comme une ampoule, grillée d'avoir trop brillé.

En attendant, je me jette dans les cages d'escaliers. Je suis la caméra de ma propre chute. Voyez mon visage impassible, mon souffle paisible. Voyez mes dents voler en éclat. Mes côtes se froisser. Mes tibias se casser. Mon dos prendre une courbe grotesque et douloureuse.

Mais comme je me relève toujours, je pars au coude à coude avec mes partenaires éthyliques. Sur les bords de la Meuse, nous tuons des cygnes avec le cul de nos bouteilles de bière.

dimanche

Correspondances V : Pour qui qu'on s'prend















Mon estimé ami,


Il faut bien l’avouer, j’ai beaucoup ri (toutes proportions gardées) quand j’ai lu que tu avais placé le Tous les François Catrou sont un jour guillotinés sur l’échafaud du progrès. Succulent ! Je ne pensais pas que tu l’insérerais effectivement suite au mail à ce sujet.


Je ne mets pas en doute que Klein soit une spécialiste reconnue. Qui serais-je pour juger son travail ? Je ne suis expert ni en économie ni en politique et mon avis n’est probablement que celui d’un béotien. Cela dit, dans La Stratégie du Choc, elle développe une théorie expliquant comment le néolibéralisme s’impose, agrémentée de moult exemples historiques édifiants (le cône Sud de l’Amérique Latine, la Chine, la Pologne, la Russie, etc.). Cette théorie est brillante ! En somme, pour que le modèle corporatiste s’impose dans des pays affaiblis :

- il faut d’abord que la population soit choquée, volontairement ou non (coup d’état violent, guerre, ou catastrophe naturelle,…) ;

- profitant de l’état d’hébétude dans lequel l’évènement a laissé la population, on peut alors pratiquer un choc économique : privatisations massives, dérèglementation, réduction du rôle de l’Etat à son plus strict minimum.

- Troisième choc, on maintient la population dans un état de terreur en pratiquant, par exemple, les disparitions mystérieuses, les exécutions publiques et la torture.

Jusque-là rien à redire, hein.

Mais là où Klein perd du crédit, à mon sens, c’est en affirmant qu’elle met là à jour la stratégie du capitalisme en soi. N’est-ce pas là la stratégie de tout modèle économique extrême ? Si l’on prend la révolution communiste dans la Russie du début du vingtième, on retrouve la même dynamique (en miroir) :

- choc de la violence de la révolution pour les aristocrates, les bourgeois, le clergé ;

- choc économique : nationalisation massive, règlementation stricte, augmentation du rôle de l’Etat jusqu’à son paroxysme.

- Troisième choc : KGB, torture, Goulag,…

J’irai même plus loin (lecture libre de Hobbes) : n’est-ce la peur qui est le fondement même de tout « état » ? Y a des mecs qui se chient dessus parce que la nature les terrifie, les animaux sont méchants et les hommes sont des loups pour les hommes (premier choc). Alors, ceux-qui-se-chient-dessus font appel aux plus forts et leur demandent de les protéger. Alors bien-sûr, ceux-qui-sont-plus-forts abusent de la situation et en demandent de plus en plus en échange de leur protection. Ok, mais tu me files une partie de tes récoltes. Ok, mais tu me construis un putain de château. Ok, mais c’est moi qui saute ta femme (choc économique). Ceux-qui-sont-les-plus-forts, en plus d’être fort, ils sont intelligents. Ils se rendent compte que ceux-qui-se-chient-dessus sont plus nombreux et que s’ils prenaient conscience de l’injustice, ils pourraient leur foutre une sacrée branlée. Alors, ceux-qui-sont-les-plus-forts instaurent un régime de terreur, lèvent une garde personnelle, torturent en public, etc.

Enfin, vlà c’que j’pense, quoi.


Passons au cas Pessl, maintenant. Quelques extraits choisis quasiment au hasard :


[…] et il avait passé son enfance dans un orphelinat à Zurich où l’amour (Liebe) et la compréhension (Verständnis) étaient aussi susceptible de faire leur apparition que le Rat-Pack (Der Ratte-Satz).


Certaines, parmi les plus douces et les plus dociles […] me faisaient de la peine, car papa avait beau ne jamais leur cacher qu’elles étaient aussi temporaires qu’un bout de scotch, la plupart étaient aveugle à son indifférence (voir Basset, Dictionnaire des chiens, vol. 1)


« De qui tu parles ?» demandais-je le plus gentiment possible. Noah Fishpost, dans son passionnant ouvrage sur les aventures de la psychiatrie moderne, Méditation sur Andromède (2001), expliquait qu’il faut être aussi peu intrusif que possible quand on interroge un patient, car la vérité…


Voilà trois bons exemples de ce qui est gavant chez cette petite. Dans le premier, les précisions inutiles (quel est l’intérêt de donner la traduction allemande ?), dans le second un de ses raccourcis pour ne pas se faire chier à décrire les gens, elle renvoie à des illustrations encyclopédiques et dans le troisième, elle étale sa culture comme si elle écrivait un article scientifique (même si je suis bien conscient que c’est là sa volonté expresse, c’est tout de même lassant).

Et c’est comme ça tout le long du roman. Elle fait sans cesse des références, souvent inutiles, et sombre dans une pédanterie ridicule. Comme tu le dis très bien, parfois l’érudition prolifique, ça ennuie juste et j’ajouterais : d’autant plus quand elle est mal maniée.


Au sujet de mon « tiroir à bouses immondes ». Bon, j’avoue que j’y ai sans doute jeté des œuvres méritantes, mais quelque part, tu avoues toi-même le risque que l’on prend à s’intéresser, par exemple, à Watchmen. A savoir le risque, par la suite, de perdre 7€ et 2h à aller voir Avatar (ne fût-ce que par une douteuse charité chrétienne). Finalement, les condamnations expéditives nous protègent, comme tout apriori. C’est même là sa raison d’être !

De plus, avec un esprit un peu positif, il y a toujours moyen de trouver du bon dans tout. Prenons Spiderman, par exemple. Il est particulièrement léché au niveau graphique, de belles lumières, de belles couleurs, une belle mise en évidence de Manhattan, sans que ce soit réellement Manhattan. Et que nous dit-il d’important pour mener notre vie ? Qu’il faut persévérer face à l’adversité, croire que l’on pourra conquérir celle qu’on aime en secret et que la justice, en ce bas monde, existe autant que la bonté.

Ça y est, j’ai vomi par le nez.

Si on part comme ça, on finit par ne plus avoir aucun discernement et sans discernement, on est condamné à devoir regarder indéfiniment tous les films jamais tournés, tels un Prométhée moderne enchaîné à son écran et à louer la transposition magistrale de la philosophie d’Epicure dans Camping

Bon, hein, ne te méprend pas, je ne dis pas que tu manques de discernement ! Je soulignais juste le risque qu’il y avait à s’intéresser aux daubes-que-finalement-on-sait-pas-trop-si-ce-sera-vraiment-une-daube.


Je suis désolé de devoir te dire ça, si toutefois ça te blesse d’une quelconque manière, mais je pense que nous allons devoir envisager de trouver un système pour nous éviter à tout prix. Je me surprends à sourire bêtement devant mon écran à la lecture de tes mails truculents. Si quelqu’un devait entrer dans ma cale à ce moment, j’aurai l’air bien con. Donc, pour être à même de continuer à correspondre et prolonger ainsi ce plaisir, il faut continuer à prétendre que je suis à l’étranger et pour cela une seule solution : l’évitement mutuel. J’imagine que comme moi, tu auras sans doute eu quelques expériences en la matière (en tant que bourreau ou que victime) en secondaire, après un flirt aussi fugace que honteux.


Enfin, dans la mesure où cela ne serait pas envisageable, je propose que nous organisions une bourse d’échange bibliophile à mon retour. Avec tous les bouquins qui devront circuler, nous pourrons bien louer un emplacement sur la Batte !


A ne plus te revoir,


Piacoa.



PIENO

lundi

Fuite Ma Play-Doh









Elle me drogue à la naphtaline. Que ne l'ai-je rencontrée quand nous avions dix-huit ans. J'aurais construit une maison sur son sein. En briques rouges. Avec des roses noires dans le jardin.

Ma Play-Doh.

Je veux sentir la mer dans tes cheveux. Tu me drogues ma plaie d'eau, ma plaie mobile. Je veux pétrir ta pâte. Et ton vent d'Atlantique. Une maison de brique rouge. Et des roses noires. De la naphtaline, du napalm, du vitriol. T'es rock'n'roll.

Ma Play-Doh.

Ma plasticine. Ma plastique inconnue, ma glycérine. Envoie moi du vent d'Atlantique. La musique de la mer. Agent 001. Tu me drogues à la naphtaline. Je suis trop vieux. Toi aussi. Pleurons au Mont Sans-Soucis. Une maison. Ton sein ! Et des briques molles de ma plaie d'eau. Ma Playmobil. Des roses à la mer. Une drogue. Du sel qui corrompt les maisons. Et qui fait de la pâte. A sel. L'océan vague et je roule en tango. Ta plaie dore mon coeur de sel.

Ma Play-Doh.

Elle me drogue à la naphtaline. Que ne l'ai-je rencontrée quand nous avions dix-huit ans. J'aurais construit une maison sur son sein. En briques rouges.
Avec des roses noires dans le jardin.

dimanche

Correspondances IV : Mémoire, Littérature et Musique















Aujourd’hui, c’est dimanche et comme dirait l’autre, « dimanche, c’est le jour des gros manches ». Comme un gros manche, donc, j’en branle le moins possible (je sais, on s’éloigne du langage fleuri du XIXème, ma très chère Dame, mais faut vivre avec son temps). Le seigneur lui-même se repose le dimanche, il laisse à ses ministres le soin de maintenir la plèbe scrofuleuse et syphilitique dans la gloire de son règne. Amen. (Visions de l'Autre dans l'Oeuvre du Père Catrou influence inside).


En gros, ce matin je me suis levé à 8h – ce qui constitue une grasse mat’ ici – je suis resté à table jusqu’à 9h30, puis j’ai passé le reste de la matinée à nettoyer la chambre et mes chaussures. (Maintenant, quand je rentre dans ma chambre, ça sent un doux mélange de citron et de cirage). Puis diner frugal et sieste. Il est maintenant 13h00 et je vais digérer encore une heure avant d’aller courir.

Tout ce long préambule pour dire qu’aujourd’hui, j’ai bien le temps d’écrire.


Je ne me suis absolument pas senti obligé de lire ton mémoire. C’est sans doute la transmission de l’enthousiasme que tu recherchais qui a eu un effet bien au-delà de ce que tu en attendais. Puis, depuis le temps qu'on en parle, tu pourras comprendre que j'étais avide de prendre contact avec la Bêêête. Bien que je ne sois pas encore très loin (p. 56, je crois), j’ai été accroché par sa lecture à plusieurs point de vue.

Premièrement, c’est assez amusant de lire un ami que l’on connaît bien – permets-moi cette prétention - et de ne pas le reconnaître. Tu es complètement effacé derrière la rigueur exigée par ce genre de travail et évidemment, en ce sens, c’est une réussite.

C’est aussi une façon de lire une Histoire à laquelle, en tant que profane, je n’avais pas encore eu accès. Une lecture singulière et spécialisée, presque anecdotique, alors que jusque là, je n’avais vu de l’Histoire que ces aspects les plus généraux : Rome ! (BLAF !) La Renaissance ! (BOUM !) Le XXème siècle ! (KABOOM !)

Puis, j’aime la langue utilisée, rigoureuse, mais élégante. C’est très loin de l’aspect pseudo-scientifique frigide que l’on essaie de se donner dans d'autres facultés dites de sciences humaines. J’ai l’impression qu’il y a un réel « travail d’écriture » chez vous. Et étant un amateur de belle langue, évidemment…

Y a certaines de tes phrases que j’ai trouvées délectables comme […]sous les vagues de doute, isolé au milieu d’un océan de remises en question. Ou […]et il est facile d’imaginer ce dernier, parcourant l’intégralité de cette Histoire du Fanatisme, dégouté par avance de ces dissidences qui offrent pour seul choix possible qu’une rigide et déplaisante austérité ou une débauche sordide et avilissante. Haha quoi !

Je me dis que Où les Tigres sont chez Eux a réellement du avoir une saveur particulière pour toi. On voit chez Catrou les mêmes erreurs que chez Kircher, dues aux limitations conceptuelles de son époque. Un esprit sans doute brillant, mais que l’on considérerait aujourd’hui comme étriqué, faute de nuance (pour fustiger ses cibles, Stock et Müntzer, de sales et vilains, on peut bien parler de limitations intellectuelles !). Mais en même temps, comme chez le Jésuite Allemand, on a envie de lui pardonner, parce que ce n’est pas par malignité qu’il tient un discours si peu objectif, mais simplement parce qu’il était impossible (ou du moins très difficile) de penser autrement à l’époque.

Un peu comme Noaoaomi Klein, tiens ! sauf qu’elle, elle a pas l’excuse d’une époque pour être à ce point parti pris. C’est dommage, les analyses de La Stratégie du Choc sont très bonnes, édifiantes même, mais ce qu’elle pointe impoliment du doigt chez la droite néolibérale, pourrait aussi bien être appliqué à la gauche communiste…

Bon cela dit, je sais que ton mémoire n’est pas un ouvrage de vulgarisation, mais merde quoi ! de nos jours, tous les intellectuels ne parlent plus le latin !


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Bon là, je fais une pause colère, parce que je suis colère ! Je reviens d’avoir été courir, j’ai pris ma douche et tout et comme il n’y a pas de bouteille d’eau, je suis allé me chercher un petit café histoire de ne pas me déshydrater complètement. Quelqu’un à laissé trainer son Ché (un magazine néerlandophone) avec comme gros titre NAAKT! et comme photo de couverture une superbe blonde, à oilp – logique. Et en plus petit titre, on peut lire op schoot bij een nymphomane… Bordel quoi ! En ces temps de disette sexuelle, il n’en faut pas plus pour faire de moi un misérable pervers voleur, soumis à l'empire de ses pulsions les plus bestiales. J’ai subtilisé le magazine, évidemment !

Comme si c’était déjà pas assez difficile de côtoyer les serveuses du self-service et du bar – à tomber. Comme si c’était pas déjà assez éreintant – oui, vraiment – de croiser dans les rues de la capitale la quintessence de la bombasse de l’Est.

Il s’avère, parenthèse politique, que la blonde pulpeuse n’est autre qu’un membre de l’Open VLD, conseillère communale à Aalst. Et le Ché de titrer Zo open zag u de VLD nog nooit! Ah ! tu l’as dit bouffi ! Jusqu’où iront-ils pour ramasser des voix ? Je prédis qu’elle aura vite un surnom de Vlaamselina (sauf que contrairement à la Cicciolina, cette Barbara Steeman est belle, elle).

Bordel, quoi.

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J’ai enfin terminé La Physique des Catastrophes de Marisha Pessl (Special Topics On Disaster Physics dans son titre original, ce qui pète tout de même plus). Qu’en dire ? C’est devenu bien à partir de la 700ème page (sur 807) et puis ça a fini en… c’est quoi le contraire d’apothéose ? Disons que ça a fini en flanc. Ouais, en gros flanc gélatineux et fade.

Bref, pas de temps à perdre pour toi là-dessus. Si elle aime lire, je pense que ça peut être un bon bouquin pour Coraline, c'est plus pour sa tranche d'âge, mais définitivement pas pour de vieux baroudeurs de la littérature comme nous, la barbe pas soignée, l’haleine fétide de café et de clopes et l’esprit toujours en quête d’une impossible extase.

Je ne sais pas encore par quoi je vais le faire suivre, mais comme t’as pris de l’avance dans la lecture des Allemands, je vais peut-être entamer Les Cerfs-Volants de Kaboul, comme ça je pourrais te dire s’il vaut le détour.


Marrant que tu me parles de L’Amour au Temps du Choléra, je venais justement de l’ajouter à ma liste A lire, puisqu’il était évoqué dans le roman de Pessl.


Non, Les Pirates n’ont rien à voir avec Harrison. Comme je te l’ai dit Harrison, ce sont plutôt les grands espaces américains, l’amour de la solitude et tout ce genre d’univers. Les Pirates ! dans une aventure contre les scientifiques/dans une aventure avec les communistes / dans une aventure avec les baleines, sont des contes burlesques de Gideon Defoe. A lire pour une bonne poilade dans l’absurde, l’anachronisme et le nonsense typiquement British.


Ouais… Avatar… Je lis de temps en temps la presse en ligne ici et j’avais lu deux-trois brol sur le « phénomène ». Bleuârgh. Tu m’excuseras, mais d’après ce que j’ai lu, je l’ai vite foutu dans le tiroir « bouse immonde, sans intérêt ». Maintenant qu’il est dans ce tiroir, je ne peux retenir de ton descriptif que l’indigence crasse de la narration. Le reste ne constitue que des arguments de vente. J’y resterai insensible.

Ça me fait penser par ailleurs que depuis un petit temps, vous filez un mauvais coton avec les Terminator IV, Watchmen et autres La Vengeance des X-men contre Prédator. Une débauche de moyen n’est pas un bon prétexte pour porter un intérêt à un film. Merde quoi, vous êtes plus malins que ça les gars !

Alors là, on va me sortir les arguments marteaux, Ouais mais on peut pas être snob comme ça et rejeter sans autre forme de procès un film juste parce que c’est une grosse prod’ americaine. Si je le peux. Ouais, mais tu dis ça, mais ça t’as pas empêché d’avoir été voir AI en son temps et d’aimer ça. Chacun à ses contradictions.


Pour revenir au sujet de l’obsession, de la transmission de l’enthousiasme, tout ça, tu trouveras ci-joint mon premier TP. Je commence l'application de tes préceptes par mail, car n’ayant pas ta verve et estimant mieux écrire que parler – sans pour autant prétendre bien écrire –, je me suis dit que le fait que mon destinataire me dise qu’il était (je cite) pas vraiment client de The Horrors était une bonne occasion de pratiquer les conseils que tu m’as prodigués.

J’avais pensé te mettre en cc du mail en question, mais je sais que le destinataire à certaines… mmm… susceptibilités, pas toujours saisissables, mais sans doute respectables, qui font que je ne pouvais pas te joindre directement à la conversation.


« Bon.

(hello)

Dans une correspondance parallèle, Clemens m'invite à suivre son exemple et à devenir plus obsessionnel quand il s'agit de partager mes passions - tu vois sans doute un peu de quoi je veux parler, sinon je te renvoie à la chiée de mails concernant les Flaming Lips. Si je veux vendre ma came, il faut que je harcèle les gens, que je leur dise à quel point ils sont lamentables de pas aimer tel ou tel truc et à ce moment-là, à ce moment-là seulement, j'ai une chance d'ouvrir l'autre à mes goûts. Tout ça, c'est une théorie de de Clemens, évidemment, basée sur des années d'expérimentations in vivo.

Moi aussi, je suis pour l'empirisme et l'épreuve des théories à la réalité.


Donc.

Que tu sois "pas vraiment client" de Spider and The Flies, je peux encore le concevoir. D'ailleurs, j'en suis plus sûr, mais je crois que je t'ai envoyé vers leur Mixtape concoctée pour le Vice et ça va de soi, une mixtape, c'est pas vraiment leur musique. Ca nous renseigne juste sur leur goût tordu et leur esprit dérangé, voilà tout.

Mais que tu sois "pas vraiment client" de The Horrors, ça, c'est tout simplement impossible (ouais, carrément). Y a tout un tas d'album, comme ça, que si on n'écoute qu'une fois, ben ils plaisent pas vraiment. Il faut alors les réécouter, s'approprier la musique, l'apprivoiser, comprendre pourquoi cet effet d'écho dérangeant qui marque tout l'album Primary Colors a toute sa place dans l'histoire de la musique (ouais, carrément).


Bon, je te renvoie donc vers une écoute intensive avec ton Sony MDR7509HD plaqué aux oreilles.

Pour commencer, la 6ème plage du dernier album : Scarlett Fields.

Elle commence par une petite intro au clavier, deux trois notes discordantes qui ne veulent pas dire grand chose. Là, dans une ambiance quasi absurde posée à la va-vite, commence la ligne de basse. 4 notes pas plus, répétée à l'infini parce qu'elles sont pures et entraînantes. Petit accompagnement de batterie et c'est parti le chanteur fait son boulot.

A l'approche du refrain, la guitare commence à son tour, elle tangue doucement, elle attend. Refrain. Bridge. La guitare s'emporte, le clavier reprend.

Et tout reprend.

La trame se complexifie, d'une façon légère et subtile, on garde la pureté de la ligne de basse. Constante, sûre.

Refrain.

Si t'as retenu les notes du clavier, siffle-les à ce moment. C'est sympa. Ca entraine. On sourit.

Petite pause et final.

Derrière l'apparente constance imprimée par la basse, la guitare est une vague de chaos relatif qui s’écrase sans cesse sur le rivage. Le chanteur entonne une ritournelle (Though I knew you won't be here somehow somehow) et tout monte, monte, monte en tanguant sur la guitare et note finale aigüe.

Et il entendit que c'était bon.


Voilà, quand tu aimeras cette chanson - car tu aimeras cette chanson - tu peux passer à la 10ème Sea Within A Sea.

Même principe de base, une basse constante en une seule note. Légère attaque de guitare et ambiance glauque du clavier.


Some say, we walk alone


On peut entendre une très légère inflexion de la basse dans le couplet (juste un demi-ton de plus). C'est ça, ce détail qui donne tout le corps au couplet et sa silhouette est parfaite par l'ambiance du clavier.

Petit solo guitare, grands espaces désertiques.


Some say, I walk alone


Entends-tu l'arrêt qu'essaie de nous imposer la batterie ? Trois coups de semonces. Mais on poursuit la route.

Solo guitare et clavier. Là on décolle carrément pour le survoler ce putain de désert.

Et soudain.

On se laisse planer. Le temps s'arrête. Ils nous préparent à la montée finale.

Clavier.


Tough youth may fade with boyhood’s care


Et nouvelle ligne de basse avec glissando propulseur.


3...2...1


C'est parti pour l'espace. Accroche-toi à ton slip.

On est aux antipodes de la Guerre des Etoiles. On est le foetus de 2001 : l'Odyssée de l'Espace. On flotte en double apesenteur. Dans du liquide amniotique, loin de la gravité terrestre avec pourtant le bleu de la mer en vue.


Voilà.

Là, normalement, t'es prêt pour le reste de l'album.

Si un léger doute subsiste, c'est pas exclu et je t'y autorise, écoute la première : Mirror’s Image. Je te laisse cette fois le soin de la découvrir tout seul. Ainsi, tu te l'approprieras et tu auras toute les clés pour cesser d'être un lamentable mélomane lambda qui est "pas vraiment client" de l'album de l'année 2009.

Et pour un avis professionnel : http://pitchfork.com/reviews/albums/12998-primary-colours/

Of course. »


Alors, je suis sur la bonne voie, Professeur Obsessif ?


Et plein d’autres choses,


Piacoa.



Pieno