dimanche

Correspondances V : Pour qui qu'on s'prend















Mon estimé ami,


Il faut bien l’avouer, j’ai beaucoup ri (toutes proportions gardées) quand j’ai lu que tu avais placé le Tous les François Catrou sont un jour guillotinés sur l’échafaud du progrès. Succulent ! Je ne pensais pas que tu l’insérerais effectivement suite au mail à ce sujet.


Je ne mets pas en doute que Klein soit une spécialiste reconnue. Qui serais-je pour juger son travail ? Je ne suis expert ni en économie ni en politique et mon avis n’est probablement que celui d’un béotien. Cela dit, dans La Stratégie du Choc, elle développe une théorie expliquant comment le néolibéralisme s’impose, agrémentée de moult exemples historiques édifiants (le cône Sud de l’Amérique Latine, la Chine, la Pologne, la Russie, etc.). Cette théorie est brillante ! En somme, pour que le modèle corporatiste s’impose dans des pays affaiblis :

- il faut d’abord que la population soit choquée, volontairement ou non (coup d’état violent, guerre, ou catastrophe naturelle,…) ;

- profitant de l’état d’hébétude dans lequel l’évènement a laissé la population, on peut alors pratiquer un choc économique : privatisations massives, dérèglementation, réduction du rôle de l’Etat à son plus strict minimum.

- Troisième choc, on maintient la population dans un état de terreur en pratiquant, par exemple, les disparitions mystérieuses, les exécutions publiques et la torture.

Jusque-là rien à redire, hein.

Mais là où Klein perd du crédit, à mon sens, c’est en affirmant qu’elle met là à jour la stratégie du capitalisme en soi. N’est-ce pas là la stratégie de tout modèle économique extrême ? Si l’on prend la révolution communiste dans la Russie du début du vingtième, on retrouve la même dynamique (en miroir) :

- choc de la violence de la révolution pour les aristocrates, les bourgeois, le clergé ;

- choc économique : nationalisation massive, règlementation stricte, augmentation du rôle de l’Etat jusqu’à son paroxysme.

- Troisième choc : KGB, torture, Goulag,…

J’irai même plus loin (lecture libre de Hobbes) : n’est-ce la peur qui est le fondement même de tout « état » ? Y a des mecs qui se chient dessus parce que la nature les terrifie, les animaux sont méchants et les hommes sont des loups pour les hommes (premier choc). Alors, ceux-qui-se-chient-dessus font appel aux plus forts et leur demandent de les protéger. Alors bien-sûr, ceux-qui-sont-plus-forts abusent de la situation et en demandent de plus en plus en échange de leur protection. Ok, mais tu me files une partie de tes récoltes. Ok, mais tu me construis un putain de château. Ok, mais c’est moi qui saute ta femme (choc économique). Ceux-qui-sont-les-plus-forts, en plus d’être fort, ils sont intelligents. Ils se rendent compte que ceux-qui-se-chient-dessus sont plus nombreux et que s’ils prenaient conscience de l’injustice, ils pourraient leur foutre une sacrée branlée. Alors, ceux-qui-sont-les-plus-forts instaurent un régime de terreur, lèvent une garde personnelle, torturent en public, etc.

Enfin, vlà c’que j’pense, quoi.


Passons au cas Pessl, maintenant. Quelques extraits choisis quasiment au hasard :


[…] et il avait passé son enfance dans un orphelinat à Zurich où l’amour (Liebe) et la compréhension (Verständnis) étaient aussi susceptible de faire leur apparition que le Rat-Pack (Der Ratte-Satz).


Certaines, parmi les plus douces et les plus dociles […] me faisaient de la peine, car papa avait beau ne jamais leur cacher qu’elles étaient aussi temporaires qu’un bout de scotch, la plupart étaient aveugle à son indifférence (voir Basset, Dictionnaire des chiens, vol. 1)


« De qui tu parles ?» demandais-je le plus gentiment possible. Noah Fishpost, dans son passionnant ouvrage sur les aventures de la psychiatrie moderne, Méditation sur Andromède (2001), expliquait qu’il faut être aussi peu intrusif que possible quand on interroge un patient, car la vérité…


Voilà trois bons exemples de ce qui est gavant chez cette petite. Dans le premier, les précisions inutiles (quel est l’intérêt de donner la traduction allemande ?), dans le second un de ses raccourcis pour ne pas se faire chier à décrire les gens, elle renvoie à des illustrations encyclopédiques et dans le troisième, elle étale sa culture comme si elle écrivait un article scientifique (même si je suis bien conscient que c’est là sa volonté expresse, c’est tout de même lassant).

Et c’est comme ça tout le long du roman. Elle fait sans cesse des références, souvent inutiles, et sombre dans une pédanterie ridicule. Comme tu le dis très bien, parfois l’érudition prolifique, ça ennuie juste et j’ajouterais : d’autant plus quand elle est mal maniée.


Au sujet de mon « tiroir à bouses immondes ». Bon, j’avoue que j’y ai sans doute jeté des œuvres méritantes, mais quelque part, tu avoues toi-même le risque que l’on prend à s’intéresser, par exemple, à Watchmen. A savoir le risque, par la suite, de perdre 7€ et 2h à aller voir Avatar (ne fût-ce que par une douteuse charité chrétienne). Finalement, les condamnations expéditives nous protègent, comme tout apriori. C’est même là sa raison d’être !

De plus, avec un esprit un peu positif, il y a toujours moyen de trouver du bon dans tout. Prenons Spiderman, par exemple. Il est particulièrement léché au niveau graphique, de belles lumières, de belles couleurs, une belle mise en évidence de Manhattan, sans que ce soit réellement Manhattan. Et que nous dit-il d’important pour mener notre vie ? Qu’il faut persévérer face à l’adversité, croire que l’on pourra conquérir celle qu’on aime en secret et que la justice, en ce bas monde, existe autant que la bonté.

Ça y est, j’ai vomi par le nez.

Si on part comme ça, on finit par ne plus avoir aucun discernement et sans discernement, on est condamné à devoir regarder indéfiniment tous les films jamais tournés, tels un Prométhée moderne enchaîné à son écran et à louer la transposition magistrale de la philosophie d’Epicure dans Camping

Bon, hein, ne te méprend pas, je ne dis pas que tu manques de discernement ! Je soulignais juste le risque qu’il y avait à s’intéresser aux daubes-que-finalement-on-sait-pas-trop-si-ce-sera-vraiment-une-daube.


Je suis désolé de devoir te dire ça, si toutefois ça te blesse d’une quelconque manière, mais je pense que nous allons devoir envisager de trouver un système pour nous éviter à tout prix. Je me surprends à sourire bêtement devant mon écran à la lecture de tes mails truculents. Si quelqu’un devait entrer dans ma cale à ce moment, j’aurai l’air bien con. Donc, pour être à même de continuer à correspondre et prolonger ainsi ce plaisir, il faut continuer à prétendre que je suis à l’étranger et pour cela une seule solution : l’évitement mutuel. J’imagine que comme moi, tu auras sans doute eu quelques expériences en la matière (en tant que bourreau ou que victime) en secondaire, après un flirt aussi fugace que honteux.


Enfin, dans la mesure où cela ne serait pas envisageable, je propose que nous organisions une bourse d’échange bibliophile à mon retour. Avec tous les bouquins qui devront circuler, nous pourrons bien louer un emplacement sur la Batte !


A ne plus te revoir,


Piacoa.



PIENO

lundi

Fuite Ma Play-Doh









Elle me drogue à la naphtaline. Que ne l'ai-je rencontrée quand nous avions dix-huit ans. J'aurais construit une maison sur son sein. En briques rouges. Avec des roses noires dans le jardin.

Ma Play-Doh.

Je veux sentir la mer dans tes cheveux. Tu me drogues ma plaie d'eau, ma plaie mobile. Je veux pétrir ta pâte. Et ton vent d'Atlantique. Une maison de brique rouge. Et des roses noires. De la naphtaline, du napalm, du vitriol. T'es rock'n'roll.

Ma Play-Doh.

Ma plasticine. Ma plastique inconnue, ma glycérine. Envoie moi du vent d'Atlantique. La musique de la mer. Agent 001. Tu me drogues à la naphtaline. Je suis trop vieux. Toi aussi. Pleurons au Mont Sans-Soucis. Une maison. Ton sein ! Et des briques molles de ma plaie d'eau. Ma Playmobil. Des roses à la mer. Une drogue. Du sel qui corrompt les maisons. Et qui fait de la pâte. A sel. L'océan vague et je roule en tango. Ta plaie dore mon coeur de sel.

Ma Play-Doh.

Elle me drogue à la naphtaline. Que ne l'ai-je rencontrée quand nous avions dix-huit ans. J'aurais construit une maison sur son sein. En briques rouges.
Avec des roses noires dans le jardin.

dimanche

Correspondances IV : Mémoire, Littérature et Musique















Aujourd’hui, c’est dimanche et comme dirait l’autre, « dimanche, c’est le jour des gros manches ». Comme un gros manche, donc, j’en branle le moins possible (je sais, on s’éloigne du langage fleuri du XIXème, ma très chère Dame, mais faut vivre avec son temps). Le seigneur lui-même se repose le dimanche, il laisse à ses ministres le soin de maintenir la plèbe scrofuleuse et syphilitique dans la gloire de son règne. Amen. (Visions de l'Autre dans l'Oeuvre du Père Catrou influence inside).


En gros, ce matin je me suis levé à 8h – ce qui constitue une grasse mat’ ici – je suis resté à table jusqu’à 9h30, puis j’ai passé le reste de la matinée à nettoyer la chambre et mes chaussures. (Maintenant, quand je rentre dans ma chambre, ça sent un doux mélange de citron et de cirage). Puis diner frugal et sieste. Il est maintenant 13h00 et je vais digérer encore une heure avant d’aller courir.

Tout ce long préambule pour dire qu’aujourd’hui, j’ai bien le temps d’écrire.


Je ne me suis absolument pas senti obligé de lire ton mémoire. C’est sans doute la transmission de l’enthousiasme que tu recherchais qui a eu un effet bien au-delà de ce que tu en attendais. Puis, depuis le temps qu'on en parle, tu pourras comprendre que j'étais avide de prendre contact avec la Bêêête. Bien que je ne sois pas encore très loin (p. 56, je crois), j’ai été accroché par sa lecture à plusieurs point de vue.

Premièrement, c’est assez amusant de lire un ami que l’on connaît bien – permets-moi cette prétention - et de ne pas le reconnaître. Tu es complètement effacé derrière la rigueur exigée par ce genre de travail et évidemment, en ce sens, c’est une réussite.

C’est aussi une façon de lire une Histoire à laquelle, en tant que profane, je n’avais pas encore eu accès. Une lecture singulière et spécialisée, presque anecdotique, alors que jusque là, je n’avais vu de l’Histoire que ces aspects les plus généraux : Rome ! (BLAF !) La Renaissance ! (BOUM !) Le XXème siècle ! (KABOOM !)

Puis, j’aime la langue utilisée, rigoureuse, mais élégante. C’est très loin de l’aspect pseudo-scientifique frigide que l’on essaie de se donner dans d'autres facultés dites de sciences humaines. J’ai l’impression qu’il y a un réel « travail d’écriture » chez vous. Et étant un amateur de belle langue, évidemment…

Y a certaines de tes phrases que j’ai trouvées délectables comme […]sous les vagues de doute, isolé au milieu d’un océan de remises en question. Ou […]et il est facile d’imaginer ce dernier, parcourant l’intégralité de cette Histoire du Fanatisme, dégouté par avance de ces dissidences qui offrent pour seul choix possible qu’une rigide et déplaisante austérité ou une débauche sordide et avilissante. Haha quoi !

Je me dis que Où les Tigres sont chez Eux a réellement du avoir une saveur particulière pour toi. On voit chez Catrou les mêmes erreurs que chez Kircher, dues aux limitations conceptuelles de son époque. Un esprit sans doute brillant, mais que l’on considérerait aujourd’hui comme étriqué, faute de nuance (pour fustiger ses cibles, Stock et Müntzer, de sales et vilains, on peut bien parler de limitations intellectuelles !). Mais en même temps, comme chez le Jésuite Allemand, on a envie de lui pardonner, parce que ce n’est pas par malignité qu’il tient un discours si peu objectif, mais simplement parce qu’il était impossible (ou du moins très difficile) de penser autrement à l’époque.

Un peu comme Noaoaomi Klein, tiens ! sauf qu’elle, elle a pas l’excuse d’une époque pour être à ce point parti pris. C’est dommage, les analyses de La Stratégie du Choc sont très bonnes, édifiantes même, mais ce qu’elle pointe impoliment du doigt chez la droite néolibérale, pourrait aussi bien être appliqué à la gauche communiste…

Bon cela dit, je sais que ton mémoire n’est pas un ouvrage de vulgarisation, mais merde quoi ! de nos jours, tous les intellectuels ne parlent plus le latin !


-

Bon là, je fais une pause colère, parce que je suis colère ! Je reviens d’avoir été courir, j’ai pris ma douche et tout et comme il n’y a pas de bouteille d’eau, je suis allé me chercher un petit café histoire de ne pas me déshydrater complètement. Quelqu’un à laissé trainer son Ché (un magazine néerlandophone) avec comme gros titre NAAKT! et comme photo de couverture une superbe blonde, à oilp – logique. Et en plus petit titre, on peut lire op schoot bij een nymphomane… Bordel quoi ! En ces temps de disette sexuelle, il n’en faut pas plus pour faire de moi un misérable pervers voleur, soumis à l'empire de ses pulsions les plus bestiales. J’ai subtilisé le magazine, évidemment !

Comme si c’était déjà pas assez difficile de côtoyer les serveuses du self-service et du bar – à tomber. Comme si c’était pas déjà assez éreintant – oui, vraiment – de croiser dans les rues de la capitale la quintessence de la bombasse de l’Est.

Il s’avère, parenthèse politique, que la blonde pulpeuse n’est autre qu’un membre de l’Open VLD, conseillère communale à Aalst. Et le Ché de titrer Zo open zag u de VLD nog nooit! Ah ! tu l’as dit bouffi ! Jusqu’où iront-ils pour ramasser des voix ? Je prédis qu’elle aura vite un surnom de Vlaamselina (sauf que contrairement à la Cicciolina, cette Barbara Steeman est belle, elle).

Bordel, quoi.

-


J’ai enfin terminé La Physique des Catastrophes de Marisha Pessl (Special Topics On Disaster Physics dans son titre original, ce qui pète tout de même plus). Qu’en dire ? C’est devenu bien à partir de la 700ème page (sur 807) et puis ça a fini en… c’est quoi le contraire d’apothéose ? Disons que ça a fini en flanc. Ouais, en gros flanc gélatineux et fade.

Bref, pas de temps à perdre pour toi là-dessus. Si elle aime lire, je pense que ça peut être un bon bouquin pour Coraline, c'est plus pour sa tranche d'âge, mais définitivement pas pour de vieux baroudeurs de la littérature comme nous, la barbe pas soignée, l’haleine fétide de café et de clopes et l’esprit toujours en quête d’une impossible extase.

Je ne sais pas encore par quoi je vais le faire suivre, mais comme t’as pris de l’avance dans la lecture des Allemands, je vais peut-être entamer Les Cerfs-Volants de Kaboul, comme ça je pourrais te dire s’il vaut le détour.


Marrant que tu me parles de L’Amour au Temps du Choléra, je venais justement de l’ajouter à ma liste A lire, puisqu’il était évoqué dans le roman de Pessl.


Non, Les Pirates n’ont rien à voir avec Harrison. Comme je te l’ai dit Harrison, ce sont plutôt les grands espaces américains, l’amour de la solitude et tout ce genre d’univers. Les Pirates ! dans une aventure contre les scientifiques/dans une aventure avec les communistes / dans une aventure avec les baleines, sont des contes burlesques de Gideon Defoe. A lire pour une bonne poilade dans l’absurde, l’anachronisme et le nonsense typiquement British.


Ouais… Avatar… Je lis de temps en temps la presse en ligne ici et j’avais lu deux-trois brol sur le « phénomène ». Bleuârgh. Tu m’excuseras, mais d’après ce que j’ai lu, je l’ai vite foutu dans le tiroir « bouse immonde, sans intérêt ». Maintenant qu’il est dans ce tiroir, je ne peux retenir de ton descriptif que l’indigence crasse de la narration. Le reste ne constitue que des arguments de vente. J’y resterai insensible.

Ça me fait penser par ailleurs que depuis un petit temps, vous filez un mauvais coton avec les Terminator IV, Watchmen et autres La Vengeance des X-men contre Prédator. Une débauche de moyen n’est pas un bon prétexte pour porter un intérêt à un film. Merde quoi, vous êtes plus malins que ça les gars !

Alors là, on va me sortir les arguments marteaux, Ouais mais on peut pas être snob comme ça et rejeter sans autre forme de procès un film juste parce que c’est une grosse prod’ americaine. Si je le peux. Ouais, mais tu dis ça, mais ça t’as pas empêché d’avoir été voir AI en son temps et d’aimer ça. Chacun à ses contradictions.


Pour revenir au sujet de l’obsession, de la transmission de l’enthousiasme, tout ça, tu trouveras ci-joint mon premier TP. Je commence l'application de tes préceptes par mail, car n’ayant pas ta verve et estimant mieux écrire que parler – sans pour autant prétendre bien écrire –, je me suis dit que le fait que mon destinataire me dise qu’il était (je cite) pas vraiment client de The Horrors était une bonne occasion de pratiquer les conseils que tu m’as prodigués.

J’avais pensé te mettre en cc du mail en question, mais je sais que le destinataire à certaines… mmm… susceptibilités, pas toujours saisissables, mais sans doute respectables, qui font que je ne pouvais pas te joindre directement à la conversation.


« Bon.

(hello)

Dans une correspondance parallèle, Clemens m'invite à suivre son exemple et à devenir plus obsessionnel quand il s'agit de partager mes passions - tu vois sans doute un peu de quoi je veux parler, sinon je te renvoie à la chiée de mails concernant les Flaming Lips. Si je veux vendre ma came, il faut que je harcèle les gens, que je leur dise à quel point ils sont lamentables de pas aimer tel ou tel truc et à ce moment-là, à ce moment-là seulement, j'ai une chance d'ouvrir l'autre à mes goûts. Tout ça, c'est une théorie de de Clemens, évidemment, basée sur des années d'expérimentations in vivo.

Moi aussi, je suis pour l'empirisme et l'épreuve des théories à la réalité.


Donc.

Que tu sois "pas vraiment client" de Spider and The Flies, je peux encore le concevoir. D'ailleurs, j'en suis plus sûr, mais je crois que je t'ai envoyé vers leur Mixtape concoctée pour le Vice et ça va de soi, une mixtape, c'est pas vraiment leur musique. Ca nous renseigne juste sur leur goût tordu et leur esprit dérangé, voilà tout.

Mais que tu sois "pas vraiment client" de The Horrors, ça, c'est tout simplement impossible (ouais, carrément). Y a tout un tas d'album, comme ça, que si on n'écoute qu'une fois, ben ils plaisent pas vraiment. Il faut alors les réécouter, s'approprier la musique, l'apprivoiser, comprendre pourquoi cet effet d'écho dérangeant qui marque tout l'album Primary Colors a toute sa place dans l'histoire de la musique (ouais, carrément).


Bon, je te renvoie donc vers une écoute intensive avec ton Sony MDR7509HD plaqué aux oreilles.

Pour commencer, la 6ème plage du dernier album : Scarlett Fields.

Elle commence par une petite intro au clavier, deux trois notes discordantes qui ne veulent pas dire grand chose. Là, dans une ambiance quasi absurde posée à la va-vite, commence la ligne de basse. 4 notes pas plus, répétée à l'infini parce qu'elles sont pures et entraînantes. Petit accompagnement de batterie et c'est parti le chanteur fait son boulot.

A l'approche du refrain, la guitare commence à son tour, elle tangue doucement, elle attend. Refrain. Bridge. La guitare s'emporte, le clavier reprend.

Et tout reprend.

La trame se complexifie, d'une façon légère et subtile, on garde la pureté de la ligne de basse. Constante, sûre.

Refrain.

Si t'as retenu les notes du clavier, siffle-les à ce moment. C'est sympa. Ca entraine. On sourit.

Petite pause et final.

Derrière l'apparente constance imprimée par la basse, la guitare est une vague de chaos relatif qui s’écrase sans cesse sur le rivage. Le chanteur entonne une ritournelle (Though I knew you won't be here somehow somehow) et tout monte, monte, monte en tanguant sur la guitare et note finale aigüe.

Et il entendit que c'était bon.


Voilà, quand tu aimeras cette chanson - car tu aimeras cette chanson - tu peux passer à la 10ème Sea Within A Sea.

Même principe de base, une basse constante en une seule note. Légère attaque de guitare et ambiance glauque du clavier.


Some say, we walk alone


On peut entendre une très légère inflexion de la basse dans le couplet (juste un demi-ton de plus). C'est ça, ce détail qui donne tout le corps au couplet et sa silhouette est parfaite par l'ambiance du clavier.

Petit solo guitare, grands espaces désertiques.


Some say, I walk alone


Entends-tu l'arrêt qu'essaie de nous imposer la batterie ? Trois coups de semonces. Mais on poursuit la route.

Solo guitare et clavier. Là on décolle carrément pour le survoler ce putain de désert.

Et soudain.

On se laisse planer. Le temps s'arrête. Ils nous préparent à la montée finale.

Clavier.


Tough youth may fade with boyhood’s care


Et nouvelle ligne de basse avec glissando propulseur.


3...2...1


C'est parti pour l'espace. Accroche-toi à ton slip.

On est aux antipodes de la Guerre des Etoiles. On est le foetus de 2001 : l'Odyssée de l'Espace. On flotte en double apesenteur. Dans du liquide amniotique, loin de la gravité terrestre avec pourtant le bleu de la mer en vue.


Voilà.

Là, normalement, t'es prêt pour le reste de l'album.

Si un léger doute subsiste, c'est pas exclu et je t'y autorise, écoute la première : Mirror’s Image. Je te laisse cette fois le soin de la découvrir tout seul. Ainsi, tu te l'approprieras et tu auras toute les clés pour cesser d'être un lamentable mélomane lambda qui est "pas vraiment client" de l'album de l'année 2009.

Et pour un avis professionnel : http://pitchfork.com/reviews/albums/12998-primary-colours/

Of course. »


Alors, je suis sur la bonne voie, Professeur Obsessif ?


Et plein d’autres choses,


Piacoa.



Pieno

lundi

Correspondances III : De l'intérêt épistolaire














Zdravstvouy ! (ouais, je cautionne les alternatives et j’en profite pour militer pour une ouverture vers l’Est, l’avenir d’une Europe réunifiée – et non « élargie », comme le clament les bien-pensants béni oui-oui de la droite d’Europe Occidentale)


Dieu j’aime la correspondance ! Parfois, je me dis que c’est une bonne chose de partir une longue période à l’étranger juste pour le plaisir d’écrire des lettres/mails. Un plaisir tombé en désuétude simplement parce qu’on n’a plus l’occasion de le pratiquer. Quoiqu’il en soit, c’est vrai que ce n’est pas non plus une raison suffisante pour être loin de chez soi – y-a-til des raisons suffisantes ?

Je te remercie d’entretenir la flamme.


Merci aussi pour le petit laïus sur l’intérêt, il est toujours bon de remettre les mots, ces enfoirés, à leur juste place. Maintenant que tu me l’as fait remarquer, je crois que je veillerais à mon utilisation du mot « intéressant » dont j’use et abuse, il faut bien l’avouer. Alors que finalement, ce n’est qu’avec un air légèrement dédaigneux que l’on peut répondre à la conversation insipide de quelqu’un par un « mmm… ouais, intéressant. »


Quand à ta propre attitude prosélyte, si je la tournais en dérision, c’était par pure taquinerie. Sans elle, je n’aurais sans doute été pris de passion pour tout un tas d’auteurs, comme Moody, ou de musiciens, comme JLM.


J’avoue par contre, puisque tu le soulignes toi-même, qu’il m’est arrivé plus d’une fois d’être vexé – c’est vrai, je suis parfois susceptible – pour le peu d’intérêt (oui) que tu portais à ce que je voulais partager avec toi. Et justement, du coup, il n’y avait pas de partage, mais une simple réception à sens unique de ma part. Ce n’est sans doute pas uniquement dû à ton « manque d’écoute » (je te cite), mais je manque probablement parfois de ferveur pour vendre ma propre came. Etre obsessionnel, tu dis, je note.


Pour ce qui est de la Conjuration des Imbéciles, pas de problème, je te le file dès mon retour. Concernant Les Souffrances du Jeune Werchter, il fait aussi partie de ma bibliothèque, tu pourras épargner cinq euros. Pour Nietzsche, j’ai quasiment Das Integrale, mais je te préviens que c’est assez rébarbatif comme lecture. A part les philosophes en costume de velours brun côtelé avec des rapiècements aux coudes, tous les autres (dont moi-même) font semblant d’y avoir compris quelque chose. Quant à Thomas Mann et Asimov (je ne sais pas si ça fait partie de Fondation, c’est pas indiqué en tout cas), je te tiendrai au courant si je les lis, parce que malheureusement je suis bien loin de mon rythme habituel d’un livre par semaine en mission. Je ne me l’explique pas d’ailleurs. Peut-être que l’absence de soleil me donne moins l’occasion de lire en terrasse, accompagné d’une Lucky et d’un macchiato. Ou peut-être que j’ai plus de boulot que d’habitude, tiens, pourquoi pas ? J’ai passé quasiment toute la semaine dans mon bureau à analyser les données des questionnaires que j’ai fait passés à tout le personnel pour mesurer l'« engagement organisationnel ». Mon visage est blafard, mes yeux soulignés par un chapelet de cernes et je suis certains que si mes cheveux n’étaient pas si courts, ils seraient décoiffés. Je rêve en tableau Excel.


Autre sujet, bref sujet : je sais que c’est NAOMI Klein. C’était une private joke. Trop private apparemment.

By the way, rien à voir et je conclurais là-dessus (puis une clope, un livre et dodo), est-ce que tu sais quelle police de caractère ils utilisent chez Acte Sud ? Ça ressemble pas mal à du Garamond, mais je le jurerais pas. Je me rends compte qu’à force d’avoir lu Auster chez eux, j’ai immédiatement un apriori (nouvelle orthographe) positif quand j’ouvre un bouquin de chez eux. Les aprioris, c’est mal, je sais, puisque le risque est alors d’aimer des trucs pourris.


Bibtxom,


Piacoa.


Pieno