jeudi

La vie dans les bois














On a tous rêvé d’un Walden. Je me souviens avoir découvert mon premier vers 11 ans. C’était une petite vallée encaissée, avec un ruisseau en son fond, à trois coups de pédale de chez moi. Je m'y étais arrêté pour boire, au détour d’une randonnée en VTT. Le vent dans les feuillages, le chant des oiseaux, l'absence de toute trace humaine (oui, je sais, tout ça est un peu neuneu) m'ont amené à faire mes plans. Il y aurait de l’eau fraîche toute l’année, j'apprendrais à chasser et je me construirais une cabane avec les arbres de cette petite forêt.
Par la suite, j’ai souvent recherché cet endroit, par pure nostalgie, mais jamais je ne l’ai retrouvé.

Walden est le nom de l’étang à côté duquel Henry David Thoreau a vécu pendant deux ans, deux mois, deux jours. Le récit que Thoreau fait de cette expérience est un véritable manuel du retour à la nature. Il décrit très précisément le matériel sommaire dont il dispose, la façon dont il travaille la terre, chasse et pêche pour subsister. Son aventure est à la fois une critique du monde occidental du XIXème siècle et un hymne épicurien à la nature, aux saisons, aux plantes et aux animaux. Ces choses qui sont pour lui “l’envers de ce qui est au-dedans de nous”.

Cette idée d’une vie au sein de la nature ne m’a jamais vraiment quitté, mais par paresse purement citadine, post-moderne et occidentale, je me suis souvent convaincu qu’une telle vie n’était pas possible au XXIème siècle. Cela reste un fantasme au fond de mon esprit, tout comme son radical opposé qui serait de gagner à l’euromillion est de vivre de mes rentes.

Mon rêve d’enfant est remonté à la surface aujourd’hui par une de ces mystérieuses connexions neuro-nodales qui éclatent soudainement dans notre cerveau. Je crois que c’est l’installation récente d’un groupe de squatteurs dans mon quartier qui m’a fait réfléchir aux modes alternatifs de vie, aux modes de vie en dehors de circuits vulgaires de la consommation frénétique et dépendante.
Cependant, j’ai tendance à penser que ces squatteurs restent dans l’erreur. Même s’ils proclament l’auto-gestion, ils restent dépendants de l’argent sur un point essentiel à leur survie : la nourriture. D’une façon ou d’une autre, ils doivent gagner (trouver, mendier) de l’argent pour s’acheter de quoi manger et boire.
Une preuve de l’impossibilité d’une vie autonome ?

Un groupe d’anarchistes/communistes – ils ne se définissent par très bien eux-mêmes – a fait parler de lui par la publication d’un pamphlet sulfureux qui leur a été attribué. Ces neuf de Tarnac squattaient auparavant à Paris, mais peut-être se sont-ils rendu compte des dépendances et des limitations à leur liberté qu’occasionnait l’emprisonnement dans une métropole. Ils ont donc choisi de s'installer à Tarnac, un petit village rural du Limousin. Ils y vivent en Commune et travaillent la terre pour survenir à leurs besoins. Pas mal comme retour à la nature, mais l’indépendance ne semble pas encore totale. En effet, ils tiennent deux bars dans le village, ce qui semble démontrer une fois de plus qu’une rentrée de devise, sous la forme d’un travail, est inévitable pour survivre au XXIème siècle.

Et pourtant.

Le témoignage de Dolly Freed raconte comment elle et son père ont vécu avec 700$ par an (autant dire rien) sur un terrain d’un demi-hectare à une soixantaine de kilomètres au nord de Philadelphie et ce, en maintenant les apparences de la classe moyenne. Tout comme Thoreau, elle explique, étape par étape, comment mener à bien ce projet. Élever des lapins et des poulets dans une cave, attraper des pigeons avec des pièges à rats, distiller son propre alcool, régler les questions de logement, de transport, de santé, de législation,… Tout cela devient possible sans pour autant passer pour un hippie, un anarchiste ou un illuminé.

Quelle excuse me reste-t-il maintenant ? Si ce n’est le confort de vivre comme un gitan de droite…
Pourquoi ne pas retourner à la nature et vivre comme les bêtes que nous sommes ?

mercredi

Correspondances VI : sémio-sexo-cinémo-webo et autres mots














Hey ! (ouais, je signe ici l’arrêt de l’escalade de l’élégance, j’imagine que j’aurais de toute façon fini par perdre, si ce n'est pas ce que j'admets précisément à l’instant… merde – cela dit, cher confrère, tu sais comme je suis toujours eager des projets inutiles qui ne sont jamais menés à leur terme et propose de nommer notre société la Procrastinationnale. Greffier ! Veuillez prendre note !).


Quelques précisions sémiologiques tout d’abord. Comme toute société, l'Organisation à sa culture d’entreprise, marquée entre autre par un vocabulaire qui lui est propre. En tant que grande entité, elle est même composée de micro-cultures spécifiques à chaque division exécutive (OpsDiv, FinDiv, PersDiv, etc.), chaque service, chaque bureau et jusqu’au niveau le plus bas (parfois, dans tous les sens du terme) : l'équipe, composée d’une petite dizaine d’hommes.

Ainsi donc, chez les OpsDiv, une cale désigne une chambre dans laquelle on branle l’ours (glander) faute de s’y tramer(dormir). On ne mange pas au self-service, mais au salad-bar.

Je n’ai donc pas été mis aux fers à fond de cale (ce qui, j’imagine, se comprend mieux chez les PersDiv) pour une quelconque rébellion, mes seules fautes étant culturelles, justement, et non corporatistes, lorsque, par exemple, j’écoute Bréval en faisant du sport plutôt qu’une compilation des derniers attentats de Guetta, Sinclar et autres Black Eyed Peas ou encore du meilleur du best of du Cherry Moon, période 96-décembre 99 quand la bonnasse de Waremme avait fait son strip show sur le podium principal.


Et justement, en parlant de culture corporatiste et de nivellement par le bas – si si, j’ai indirectement évoqué ça dans le paragraphe précédant -, je crois que je vais rédiger un essai qui devrait s’intituler De l’avantage sexuel des brutes en milieu international.

J’ai pu remarquer, au bar, l’aisance que certains avaient à lancer des boutades aux jolies serveuses et à récolter en gratification des rires cristallins et des sourires aussi appuyés qu’érectiles.

Me suis dit, ah ! elles ont l’air assez open, finalement, moi aussi je veux du contact libidinal !

Sans doute, mais ça ne se fait pas n’importe comment.

Chacune de mes tentatives s’est soldée par un rire gêné et j’ai donc du retourner dans ma cale pour méditer sur ces cuisants échecs.

En voici la raison : je parle trop bien le français pour une interlocutrice dont le français se limite à :


- Bonjour, un maccchiato, s’il te plait (parce que oui, la brute tutoie les serveuses et appelle les serveurs Chef)


- Un euro s’il vous plaît.


- Voilà.


- Merci.


Donc, lors de mes expériences misérables, la tournure inutilement alambiquée de mes phrases la contraignait à faire montre de son ignorance et à répondre Quoi ? une première fois, une seconde et d’enfin sourire de mal aise pour se soustraire à cette situation embarrassante.

La brute ne se fatigue pas à réfléchir à ce qu’il va dire. Il n’en est pas capable, par définition. Il lance un Toi, femme beau cul (bon, j’exagère juste un peu, je suis frustré) et elle en rit. Elle en rit parce qu’elle comprend et qu’une communication est alors possible.

Diantre.

Chié.


J’ai terminé les Cerfs-volants de Kaboul. Si c’est la guimauve qui te faisait peur, tu peux franchement y aller, on n’est pas du tout là-dedans. Certes, il y a du sentimentalisme, c’était inévitable, mais c’est tellement bien amené que ce n’est pas écœurant. Au contraire.

Peut-être que le fait que je connaisse un peu – juste un tout petit peu – l’Afghanistan et sa situation a aidé à une lecture passionnée du roman. Il y a des endroits que j’ai vu de mes propres yeux, des toponymes que je peux au moins replacer sur une carte et même des noms de personnes qui jouent encore aujourd’hui un rôle dans le pays. Tout ça rendait le récit particulièrement vivant, évidemment.

Je crois que ça m’a fait du bien aussi personnellement de pouvoir nuancer un peu l’Afghanistan et sortir des schémas imposés par mon métier, mais également par la lecture de l’actualité.

Sur ce dernier point, je crois que ça ferait du bien à tout le monde d’en apprendre plus sur Kaboul et sa vie avant 1975.

Donc, hop hop hop, tu sais ce qu’il te reste à faire.


De la même façon que, quand je suis tombé sur la collection de DVD de nos G.O., je n’avais pas pu résister à la tentation de revoir Ex-Drummer, j’ai également succombé à l’appel d’un quatrième visionnage de Der Directøren for det Hele.

Je te rassure Le Direktør ne fait pas partie du Dogme. A vrai dire, seul Les Idiots est un film de Lärs von Trier qui satisfait à ces préceptes. Contrairement à ce que l’on pense souvent, Festen n’est pas de ce dernier, mais de Thomas Vinterberg, mais je ne t’apprends peut-être rien.

Le Direktør est une comédie et elle a ceci de magistral qu’au plus que tu la vois, au mieux qu’elle te fait rire. Vraiment. Il faut simplement passer un peu au-dessus de la mise en scène parfois déroutante. En effet, le réalisateur a laissé à un ordinateur le soin de choisir les prises de vues, les cadrages et les prises de son.

L’histoire est celle de Ravn, un patron qui fait semblant d’être un simple employé de sa propre boite parce qu’il a un besoin maladif d’être aimé des gens. Pour ne pas être la cible du mécontentement lorsqu’il doit prendre des décisions impopulaires, il a inventé de toutes pièces un boss (le Directoren for det hele) qui vivrait aux Etats-Unis et dirigerait l’entreprise à distance, passant par Ravn pour faire des communications.

Avide de profits, Ravn veut vendre sa société, privant ses partenaires de leurs dividendes, de leurs droits sur un brevet important et leur faisant perdre leur emploi par la même occasion.

Malheureusement, l’acheteur veut rencontrer le Directeur. Ravn fait alors appel à Kristoffer, un acteur au chômage, fan d’un certain Antonio Stavro Gambini, véritable prototype du loser, pour incarner le Boss.

Les maladresses de Kristoffer et les besoins affectifs de Ravn conduiront à d’inévitables catastrophes et situations cocasses.

A voir absolument, mec.

Hop hop hop.


Merci d’avoir attiré mon attention sur un phénomène internet que je ne connaissais pas encore (ouais, désolé, à mon avis je dois avoir 13 de niveau de geekitude) : les Lolcats. Bon, je ne vis pas mieux, je ne suis pas plus heureux ni plus intelligent depuis que j’en ai appris là-dessus, mais mes recherches m’ont amené à découvrir d’autres mèmes virtuels que je ne connaissais pas (ainsi qu’à enfin comprendre ce qu’est un mème), mais aussi à tomber sur une source de demotivational posters.

Merci donc.


By the way, comme je n’avais pas répondu à cette question, je crois, je ne sais toujours pas ce qu’est un Torrent. Oui, j’ai honte (13 points, j'te dis).


J’ai terminé la lecture de ton mémoire. Bon, je te mentirais si je te disais qu’il m’a passionné jusqu’au bout – mais j’imagine que ce n’est pas une surprise – mais il a tout de même été plein d’enseignements partagés dans des mails précédents.

C’est pour quand la défense ?


cu,


Piacoa.


PIENO

lundi

Non non non, mes mains ne sont pas tombées


à Carne











Mes mains palpaient l'Océan
s'y enfuissaient profondément

Aujourd'hui l'inévitable dépression
du soleil sans

le bruit des vagues
du soleil sans

la réverbération
du soleil sans

écume extatique

Du soleil
Sang dont ne voudraient les moustiques

Du soleil
S'emmerde le poète

Le beau temps ne vaut rien
Si l'on y vit pas l'euphorie

dimanche

Je crois









Je suis sur la Côte. La mer s’est retirée et je dois marcher quelques temps avant d’effleurer l’eau du bout de mes chaussures. Je passe un premier sillon dont le courant prétend que la marée est descendante. Je bondis au-dessus d’un second, auquel je ne fais pas vraiment attention.

Arrivé à destination, j’écoute un moment le ressac. Finalement, la mer monte. Je ne suis pas exactement entre chien et loup. Pas exactement entre Charybde et Scylla. Disons que je suis entre deux eaux.

Je m’installe entre mes écouteurs. Partage une cigarette avec le vent.

Encore heureux qu’il y a la mer. Pour dissoudre les pensées dans son eau salée. Face au rivage, je ne pense plus. Je crois.

Je crois…

Je crois qu’il ne faut écouter Sigur Ros que face au rivage gris. Les semelles à quelques centimètres de l’écume. Sans jamais se laisser surprendre. Par la marée montante.

Ceci est valable pour Bjork également.

Je crois…

Je crois que l’entropie vient des hommes. Le chaos, des femmes. Ça pète toujours mieux que Les Femmes viennent de Vénus et les Hommes de Mars, non ?

Je crois…

Je crois que les Flash Mobs sont un signal fort lancé aux gouvernements. En un instant, nous pouvons nous mobiliser. Avec une même idée. Et une homogénéité dans le mouvement.

Pour l’instant, ce n’est qu’une danse. Pour l’instant.

Je crois…

Je crois que je divague face aux vagues. Encore heureux que j’aie dû partager cette cigarette avec le vent.

La marée montante s’engouffre à gros bouillons dans le sillon. Je cours pour trouver un gué. Crois stupidement que les remous provoqués par le vent m’indiquent une eau moins pronfonde. Et traverse en transformant mes jambons en salaison.

La serveuse du restaurant ne sourcille même pas à mes chaussures couinantes et dégoulinantes. A la fin du repas, elle me laissera son numéro. Un numéro sexy, qui commence et se termine par zéro. Elle désire mon entropie. Je goûterai son chaos.

samedi

Chainsaw Love Violent Hermaphroditis














Un peu de violence dans ce monde de tendresse.

Je rêve d'une rupture d'anévrisme. Je rêve de sombrer subitement dans le néant. Complètement. Dans mes moments les moins radicaux, j'espère juste m'évanouir. M'éteindre. Comme une ampoule, grillée d'avoir trop brillé.

En attendant, je me jette dans les cages d'escaliers. Je suis la caméra de ma propre chute. Voyez mon visage impassible, mon souffle paisible. Voyez mes dents voler en éclat. Mes côtes se froisser. Mes tibias se casser. Mon dos prendre une courbe grotesque et douloureuse.

Mais comme je me relève toujours, je pars au coude à coude avec mes partenaires éthyliques. Sur les bords de la Meuse, nous tuons des cygnes avec le cul de nos bouteilles de bière.