mercredi

Une lettre belge




envoyé à Monsieur Frédéric Beigbeder via MySpace ce 16 septembre 2009

Monsieur Beigbeder,

Hier soir, nous étions réunis avec trois amis autour d’une pinte de cidre, de deux Irish Mists, d’un Four Roses Coca et d’un verre de vin rouge (sans doute argentin, je ne contrôle pas les goûts de mon épouse). Inévitablement, l’un d'eux est venu à parler, avec un enthousiasme qui lui est peu commun, de votre nouveau roman.

Comme beaucoup d’autres sans doute, il a projeté une brique dans la vitrine de son libraire favori pour l’obtenir au plus vite. Mon ami n’est pas un voleur – je ne fréquente pas ce genre de gens –, il a bien sûr déposé proprement les 18€ sur le présentoir constellé de bris de verre avant de fuir pour le dévorer en une soirée. Là, je me demande comment un écrivain perçoit ce genre de gloutonnerie. Est-ce une sorte de compliment quant à la qualité passionnante du livre ou plutôt une insulte aux heures de travail et de détention que ce récit a couté ?

Toujours est-il que mon ami a été très touché par la sincérité de cette biographie. Que vous, en particulier, ayez cessé de porter le masque de vos personnages et de l’auto-fiction pour vous livrer ainsi à votre public, c’est un sacré putain de don de soi.

Ça m’a fait penser, devant la deuxième commande (dans laquelle une pinte de cidre a remplacé un Irish Mist), au changement de ton chez Bret Easton Ellis quand il a écrit Lunar Park. Quelque chose de plus vrai, de plus introspectif, de plus authentique. Même si Ellis, lui, n’a pas eut votre courage de tomber les masques.

Du coup – vous vous rendrez compte bientôt que toute cette introduction n’est qu’une digression visant à noyer un poisson – nous avons abordé le sujet de vos détracteurs qui vous dévaluent à imaginer et même à caqueter publiquement que vous imiter le style du Brat Pack. Tatata, Monsieur Beigbeder, tatata ! Si l’on s’en tenait à la surface poudreuse et à l’air de fête, on pourrait évidemment faire des ponts entre leur écriture et la vôtre, mais un océan de culture vous sépare. Je ne crois pas, mais ce n’est que mon avis de béotien, que les styles, les contenus ou les références soient comparables d’une culture littéraire à l’autre ou alors il faudrait inventer une anthropologie littéraire comparative.

Bon, trêve de blabla, j’en viens à la raison de cette lettre. En fin de conversation, un autre de mes amis a soulevé l’idée que vous nous adoptiez. Aucun de nous n’a trouvé de bonne raison à ce que vous fassiez cela, ni même à ce que nous vous le demandions, mais l’idée a claqué dans le pub comme une évidence. Ça tombait sous le sens : vous devez nous adopter.

J’imagine bien, monsieur Beigbeder, que ce genre de demande exige un temps de réflexion. Nous sommes patients. Les démarches administratives et les combats juridiques seront très certainement épuisants. Nous sommes endurants. Nos parents s’y opposeront, nos amis nous retiendront et peut-être que votre propre famille aura quelque chose à y redire. Nous sommes prêts.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de recevoir, Monsieur Beigbeder, l'expression d'une piété filiale sans modération.

Palestra.

P.S.: mon ami m'apporte Un Roman Français ce soir, je m'en réjouis. Etant donné mon rythme de lecture et le poids du retard qui fait ployer mes étagères, je ne promets pas d'avoir terminé avant deux mois.

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