dimanche

Correspondances IV : Mémoire, Littérature et Musique















Aujourd’hui, c’est dimanche et comme dirait l’autre, « dimanche, c’est le jour des gros manches ». Comme un gros manche, donc, j’en branle le moins possible (je sais, on s’éloigne du langage fleuri du XIXème, ma très chère Dame, mais faut vivre avec son temps). Le seigneur lui-même se repose le dimanche, il laisse à ses ministres le soin de maintenir la plèbe scrofuleuse et syphilitique dans la gloire de son règne. Amen. (Visions de l'Autre dans l'Oeuvre du Père Catrou influence inside).


En gros, ce matin je me suis levé à 8h – ce qui constitue une grasse mat’ ici – je suis resté à table jusqu’à 9h30, puis j’ai passé le reste de la matinée à nettoyer la chambre et mes chaussures. (Maintenant, quand je rentre dans ma chambre, ça sent un doux mélange de citron et de cirage). Puis diner frugal et sieste. Il est maintenant 13h00 et je vais digérer encore une heure avant d’aller courir.

Tout ce long préambule pour dire qu’aujourd’hui, j’ai bien le temps d’écrire.


Je ne me suis absolument pas senti obligé de lire ton mémoire. C’est sans doute la transmission de l’enthousiasme que tu recherchais qui a eu un effet bien au-delà de ce que tu en attendais. Puis, depuis le temps qu'on en parle, tu pourras comprendre que j'étais avide de prendre contact avec la Bêêête. Bien que je ne sois pas encore très loin (p. 56, je crois), j’ai été accroché par sa lecture à plusieurs point de vue.

Premièrement, c’est assez amusant de lire un ami que l’on connaît bien – permets-moi cette prétention - et de ne pas le reconnaître. Tu es complètement effacé derrière la rigueur exigée par ce genre de travail et évidemment, en ce sens, c’est une réussite.

C’est aussi une façon de lire une Histoire à laquelle, en tant que profane, je n’avais pas encore eu accès. Une lecture singulière et spécialisée, presque anecdotique, alors que jusque là, je n’avais vu de l’Histoire que ces aspects les plus généraux : Rome ! (BLAF !) La Renaissance ! (BOUM !) Le XXème siècle ! (KABOOM !)

Puis, j’aime la langue utilisée, rigoureuse, mais élégante. C’est très loin de l’aspect pseudo-scientifique frigide que l’on essaie de se donner dans d'autres facultés dites de sciences humaines. J’ai l’impression qu’il y a un réel « travail d’écriture » chez vous. Et étant un amateur de belle langue, évidemment…

Y a certaines de tes phrases que j’ai trouvées délectables comme […]sous les vagues de doute, isolé au milieu d’un océan de remises en question. Ou […]et il est facile d’imaginer ce dernier, parcourant l’intégralité de cette Histoire du Fanatisme, dégouté par avance de ces dissidences qui offrent pour seul choix possible qu’une rigide et déplaisante austérité ou une débauche sordide et avilissante. Haha quoi !

Je me dis que Où les Tigres sont chez Eux a réellement du avoir une saveur particulière pour toi. On voit chez Catrou les mêmes erreurs que chez Kircher, dues aux limitations conceptuelles de son époque. Un esprit sans doute brillant, mais que l’on considérerait aujourd’hui comme étriqué, faute de nuance (pour fustiger ses cibles, Stock et Müntzer, de sales et vilains, on peut bien parler de limitations intellectuelles !). Mais en même temps, comme chez le Jésuite Allemand, on a envie de lui pardonner, parce que ce n’est pas par malignité qu’il tient un discours si peu objectif, mais simplement parce qu’il était impossible (ou du moins très difficile) de penser autrement à l’époque.

Un peu comme Noaoaomi Klein, tiens ! sauf qu’elle, elle a pas l’excuse d’une époque pour être à ce point parti pris. C’est dommage, les analyses de La Stratégie du Choc sont très bonnes, édifiantes même, mais ce qu’elle pointe impoliment du doigt chez la droite néolibérale, pourrait aussi bien être appliqué à la gauche communiste…

Bon cela dit, je sais que ton mémoire n’est pas un ouvrage de vulgarisation, mais merde quoi ! de nos jours, tous les intellectuels ne parlent plus le latin !


-

Bon là, je fais une pause colère, parce que je suis colère ! Je reviens d’avoir été courir, j’ai pris ma douche et tout et comme il n’y a pas de bouteille d’eau, je suis allé me chercher un petit café histoire de ne pas me déshydrater complètement. Quelqu’un à laissé trainer son Ché (un magazine néerlandophone) avec comme gros titre NAAKT! et comme photo de couverture une superbe blonde, à oilp – logique. Et en plus petit titre, on peut lire op schoot bij een nymphomane… Bordel quoi ! En ces temps de disette sexuelle, il n’en faut pas plus pour faire de moi un misérable pervers voleur, soumis à l'empire de ses pulsions les plus bestiales. J’ai subtilisé le magazine, évidemment !

Comme si c’était déjà pas assez difficile de côtoyer les serveuses du self-service et du bar – à tomber. Comme si c’était pas déjà assez éreintant – oui, vraiment – de croiser dans les rues de la capitale la quintessence de la bombasse de l’Est.

Il s’avère, parenthèse politique, que la blonde pulpeuse n’est autre qu’un membre de l’Open VLD, conseillère communale à Aalst. Et le Ché de titrer Zo open zag u de VLD nog nooit! Ah ! tu l’as dit bouffi ! Jusqu’où iront-ils pour ramasser des voix ? Je prédis qu’elle aura vite un surnom de Vlaamselina (sauf que contrairement à la Cicciolina, cette Barbara Steeman est belle, elle).

Bordel, quoi.

-


J’ai enfin terminé La Physique des Catastrophes de Marisha Pessl (Special Topics On Disaster Physics dans son titre original, ce qui pète tout de même plus). Qu’en dire ? C’est devenu bien à partir de la 700ème page (sur 807) et puis ça a fini en… c’est quoi le contraire d’apothéose ? Disons que ça a fini en flanc. Ouais, en gros flanc gélatineux et fade.

Bref, pas de temps à perdre pour toi là-dessus. Si elle aime lire, je pense que ça peut être un bon bouquin pour Coraline, c'est plus pour sa tranche d'âge, mais définitivement pas pour de vieux baroudeurs de la littérature comme nous, la barbe pas soignée, l’haleine fétide de café et de clopes et l’esprit toujours en quête d’une impossible extase.

Je ne sais pas encore par quoi je vais le faire suivre, mais comme t’as pris de l’avance dans la lecture des Allemands, je vais peut-être entamer Les Cerfs-Volants de Kaboul, comme ça je pourrais te dire s’il vaut le détour.


Marrant que tu me parles de L’Amour au Temps du Choléra, je venais justement de l’ajouter à ma liste A lire, puisqu’il était évoqué dans le roman de Pessl.


Non, Les Pirates n’ont rien à voir avec Harrison. Comme je te l’ai dit Harrison, ce sont plutôt les grands espaces américains, l’amour de la solitude et tout ce genre d’univers. Les Pirates ! dans une aventure contre les scientifiques/dans une aventure avec les communistes / dans une aventure avec les baleines, sont des contes burlesques de Gideon Defoe. A lire pour une bonne poilade dans l’absurde, l’anachronisme et le nonsense typiquement British.


Ouais… Avatar… Je lis de temps en temps la presse en ligne ici et j’avais lu deux-trois brol sur le « phénomène ». Bleuârgh. Tu m’excuseras, mais d’après ce que j’ai lu, je l’ai vite foutu dans le tiroir « bouse immonde, sans intérêt ». Maintenant qu’il est dans ce tiroir, je ne peux retenir de ton descriptif que l’indigence crasse de la narration. Le reste ne constitue que des arguments de vente. J’y resterai insensible.

Ça me fait penser par ailleurs que depuis un petit temps, vous filez un mauvais coton avec les Terminator IV, Watchmen et autres La Vengeance des X-men contre Prédator. Une débauche de moyen n’est pas un bon prétexte pour porter un intérêt à un film. Merde quoi, vous êtes plus malins que ça les gars !

Alors là, on va me sortir les arguments marteaux, Ouais mais on peut pas être snob comme ça et rejeter sans autre forme de procès un film juste parce que c’est une grosse prod’ americaine. Si je le peux. Ouais, mais tu dis ça, mais ça t’as pas empêché d’avoir été voir AI en son temps et d’aimer ça. Chacun à ses contradictions.


Pour revenir au sujet de l’obsession, de la transmission de l’enthousiasme, tout ça, tu trouveras ci-joint mon premier TP. Je commence l'application de tes préceptes par mail, car n’ayant pas ta verve et estimant mieux écrire que parler – sans pour autant prétendre bien écrire –, je me suis dit que le fait que mon destinataire me dise qu’il était (je cite) pas vraiment client de The Horrors était une bonne occasion de pratiquer les conseils que tu m’as prodigués.

J’avais pensé te mettre en cc du mail en question, mais je sais que le destinataire à certaines… mmm… susceptibilités, pas toujours saisissables, mais sans doute respectables, qui font que je ne pouvais pas te joindre directement à la conversation.


« Bon.

(hello)

Dans une correspondance parallèle, Clemens m'invite à suivre son exemple et à devenir plus obsessionnel quand il s'agit de partager mes passions - tu vois sans doute un peu de quoi je veux parler, sinon je te renvoie à la chiée de mails concernant les Flaming Lips. Si je veux vendre ma came, il faut que je harcèle les gens, que je leur dise à quel point ils sont lamentables de pas aimer tel ou tel truc et à ce moment-là, à ce moment-là seulement, j'ai une chance d'ouvrir l'autre à mes goûts. Tout ça, c'est une théorie de de Clemens, évidemment, basée sur des années d'expérimentations in vivo.

Moi aussi, je suis pour l'empirisme et l'épreuve des théories à la réalité.


Donc.

Que tu sois "pas vraiment client" de Spider and The Flies, je peux encore le concevoir. D'ailleurs, j'en suis plus sûr, mais je crois que je t'ai envoyé vers leur Mixtape concoctée pour le Vice et ça va de soi, une mixtape, c'est pas vraiment leur musique. Ca nous renseigne juste sur leur goût tordu et leur esprit dérangé, voilà tout.

Mais que tu sois "pas vraiment client" de The Horrors, ça, c'est tout simplement impossible (ouais, carrément). Y a tout un tas d'album, comme ça, que si on n'écoute qu'une fois, ben ils plaisent pas vraiment. Il faut alors les réécouter, s'approprier la musique, l'apprivoiser, comprendre pourquoi cet effet d'écho dérangeant qui marque tout l'album Primary Colors a toute sa place dans l'histoire de la musique (ouais, carrément).


Bon, je te renvoie donc vers une écoute intensive avec ton Sony MDR7509HD plaqué aux oreilles.

Pour commencer, la 6ème plage du dernier album : Scarlett Fields.

Elle commence par une petite intro au clavier, deux trois notes discordantes qui ne veulent pas dire grand chose. Là, dans une ambiance quasi absurde posée à la va-vite, commence la ligne de basse. 4 notes pas plus, répétée à l'infini parce qu'elles sont pures et entraînantes. Petit accompagnement de batterie et c'est parti le chanteur fait son boulot.

A l'approche du refrain, la guitare commence à son tour, elle tangue doucement, elle attend. Refrain. Bridge. La guitare s'emporte, le clavier reprend.

Et tout reprend.

La trame se complexifie, d'une façon légère et subtile, on garde la pureté de la ligne de basse. Constante, sûre.

Refrain.

Si t'as retenu les notes du clavier, siffle-les à ce moment. C'est sympa. Ca entraine. On sourit.

Petite pause et final.

Derrière l'apparente constance imprimée par la basse, la guitare est une vague de chaos relatif qui s’écrase sans cesse sur le rivage. Le chanteur entonne une ritournelle (Though I knew you won't be here somehow somehow) et tout monte, monte, monte en tanguant sur la guitare et note finale aigüe.

Et il entendit que c'était bon.


Voilà, quand tu aimeras cette chanson - car tu aimeras cette chanson - tu peux passer à la 10ème Sea Within A Sea.

Même principe de base, une basse constante en une seule note. Légère attaque de guitare et ambiance glauque du clavier.


Some say, we walk alone


On peut entendre une très légère inflexion de la basse dans le couplet (juste un demi-ton de plus). C'est ça, ce détail qui donne tout le corps au couplet et sa silhouette est parfaite par l'ambiance du clavier.

Petit solo guitare, grands espaces désertiques.


Some say, I walk alone


Entends-tu l'arrêt qu'essaie de nous imposer la batterie ? Trois coups de semonces. Mais on poursuit la route.

Solo guitare et clavier. Là on décolle carrément pour le survoler ce putain de désert.

Et soudain.

On se laisse planer. Le temps s'arrête. Ils nous préparent à la montée finale.

Clavier.


Tough youth may fade with boyhood’s care


Et nouvelle ligne de basse avec glissando propulseur.


3...2...1


C'est parti pour l'espace. Accroche-toi à ton slip.

On est aux antipodes de la Guerre des Etoiles. On est le foetus de 2001 : l'Odyssée de l'Espace. On flotte en double apesenteur. Dans du liquide amniotique, loin de la gravité terrestre avec pourtant le bleu de la mer en vue.


Voilà.

Là, normalement, t'es prêt pour le reste de l'album.

Si un léger doute subsiste, c'est pas exclu et je t'y autorise, écoute la première : Mirror’s Image. Je te laisse cette fois le soin de la découvrir tout seul. Ainsi, tu te l'approprieras et tu auras toute les clés pour cesser d'être un lamentable mélomane lambda qui est "pas vraiment client" de l'album de l'année 2009.

Et pour un avis professionnel : http://pitchfork.com/reviews/albums/12998-primary-colours/

Of course. »


Alors, je suis sur la bonne voie, Professeur Obsessif ?


Et plein d’autres choses,


Piacoa.



Pieno

lundi

Correspondances III : De l'intérêt épistolaire














Zdravstvouy ! (ouais, je cautionne les alternatives et j’en profite pour militer pour une ouverture vers l’Est, l’avenir d’une Europe réunifiée – et non « élargie », comme le clament les bien-pensants béni oui-oui de la droite d’Europe Occidentale)


Dieu j’aime la correspondance ! Parfois, je me dis que c’est une bonne chose de partir une longue période à l’étranger juste pour le plaisir d’écrire des lettres/mails. Un plaisir tombé en désuétude simplement parce qu’on n’a plus l’occasion de le pratiquer. Quoiqu’il en soit, c’est vrai que ce n’est pas non plus une raison suffisante pour être loin de chez soi – y-a-til des raisons suffisantes ?

Je te remercie d’entretenir la flamme.


Merci aussi pour le petit laïus sur l’intérêt, il est toujours bon de remettre les mots, ces enfoirés, à leur juste place. Maintenant que tu me l’as fait remarquer, je crois que je veillerais à mon utilisation du mot « intéressant » dont j’use et abuse, il faut bien l’avouer. Alors que finalement, ce n’est qu’avec un air légèrement dédaigneux que l’on peut répondre à la conversation insipide de quelqu’un par un « mmm… ouais, intéressant. »


Quand à ta propre attitude prosélyte, si je la tournais en dérision, c’était par pure taquinerie. Sans elle, je n’aurais sans doute été pris de passion pour tout un tas d’auteurs, comme Moody, ou de musiciens, comme JLM.


J’avoue par contre, puisque tu le soulignes toi-même, qu’il m’est arrivé plus d’une fois d’être vexé – c’est vrai, je suis parfois susceptible – pour le peu d’intérêt (oui) que tu portais à ce que je voulais partager avec toi. Et justement, du coup, il n’y avait pas de partage, mais une simple réception à sens unique de ma part. Ce n’est sans doute pas uniquement dû à ton « manque d’écoute » (je te cite), mais je manque probablement parfois de ferveur pour vendre ma propre came. Etre obsessionnel, tu dis, je note.


Pour ce qui est de la Conjuration des Imbéciles, pas de problème, je te le file dès mon retour. Concernant Les Souffrances du Jeune Werchter, il fait aussi partie de ma bibliothèque, tu pourras épargner cinq euros. Pour Nietzsche, j’ai quasiment Das Integrale, mais je te préviens que c’est assez rébarbatif comme lecture. A part les philosophes en costume de velours brun côtelé avec des rapiècements aux coudes, tous les autres (dont moi-même) font semblant d’y avoir compris quelque chose. Quant à Thomas Mann et Asimov (je ne sais pas si ça fait partie de Fondation, c’est pas indiqué en tout cas), je te tiendrai au courant si je les lis, parce que malheureusement je suis bien loin de mon rythme habituel d’un livre par semaine en mission. Je ne me l’explique pas d’ailleurs. Peut-être que l’absence de soleil me donne moins l’occasion de lire en terrasse, accompagné d’une Lucky et d’un macchiato. Ou peut-être que j’ai plus de boulot que d’habitude, tiens, pourquoi pas ? J’ai passé quasiment toute la semaine dans mon bureau à analyser les données des questionnaires que j’ai fait passés à tout le personnel pour mesurer l'« engagement organisationnel ». Mon visage est blafard, mes yeux soulignés par un chapelet de cernes et je suis certains que si mes cheveux n’étaient pas si courts, ils seraient décoiffés. Je rêve en tableau Excel.


Autre sujet, bref sujet : je sais que c’est NAOMI Klein. C’était une private joke. Trop private apparemment.

By the way, rien à voir et je conclurais là-dessus (puis une clope, un livre et dodo), est-ce que tu sais quelle police de caractère ils utilisent chez Acte Sud ? Ça ressemble pas mal à du Garamond, mais je le jurerais pas. Je me rends compte qu’à force d’avoir lu Auster chez eux, j’ai immédiatement un apriori (nouvelle orthographe) positif quand j’ouvre un bouquin de chez eux. Les aprioris, c’est mal, je sais, puisque le risque est alors d’aimer des trucs pourris.


Bibtxom,


Piacoa.


Pieno

mercredi

Aidez Marcello !

Lettre chaînée, faites passer à un maximum de vos connaissances

Le petit Marcello est né ainsi. Avec ce léger défaut de fabrication. Il peut être aussi bon que ces camarades, mais le handicap dont il souffre met en péril la qualité de sa vie.

A sa naissance, les médecins avaient assuré qu'il pourrait vivre et se développer sans problème pour autant qu'il ne fût pas soumis à des variations de température trop importants. S'il devait être confronté à de tels chocs thermiques, son corps risquait de se fendre.

Malheureusement, l'hiver a été rude.
Après seulement ses cinq premiers mois, le handicap de Marcello s'est étendu. Son corps est maintenant marqué d'un terrible balafre qui lui barre le torse. A terme, si la blessure devait s'étendre, il pourrait vraisemblablement être frappé d'un mutisme incurable.

J'ai conduit aujourd'hui Marcello chez le Médecin. Nous l'avons déshabillé. Il a jeté un coup d'oeil à la cicatrice, y a passé un doigt expert et sa première question n'a rien laissé présager de bon : Avez-vous une assurance maladie ? Quand je lui répondis que non, il a pris un air à la fois inquiet et embarrassé. Il m'a invité à m'asseoir.

Il faudra l'ouvrir complètement.

J'ai encaissé le choc comme je le pouvais. Je suis resté un moment sans voix. Je me suis ensuite répandu en anecdotes concernant le peu de temps que j'avais eu le temps de passer avec Marcello. Puis, je me suis tût à nouveau. J'ai dû avoir l'air pathétique, désespéré. A la périphérie de ma propre existence, j'ai entendu le docteur proposer de le garder quelque temps en observation. Pour des examens complémentaires. Je suis sorti, déboussolé. J'ai erré plusieurs heures dans le centre-ville, ne parvenant à me concentrer sur aucune pensée.

Pauvre, pauvre Marcello !
Complètement ouvert.
Ce qui signifie que l'opération devrait coûter plusieurs centaines d'euros !
(ce pour quoi je fais appel à ta générosité lecteur)

Aidez-moi à soigner Marcello. Il n'a pas encore assez chanté pour déjà être muet.

Vous pouvez verser vos dons dans ma main, car comme l'a dit un pêcheur cinghalais après le raz-de-marée indien de 2004 : "Si vous voulez vraiment m'aider, donnez-moi l'argent en main propre". Sans quoi, un financier risque de s'accaper l'argent et de construire un hôpital privé de luxe plutôt que de soigner le petit Marcello.

Ci-joint une photo de Marcello. Pour vous fendre le coeur et vous arracher quelques sous.

mardi

Correspondances II : Christmas















Hey !


Merci d'avoir pensé à moi le soir de Noël et de m'offrir quelques bulles ! Ca fait super plaisir.

Tiens pour l'occasion, je boirai un Ice Tea Light à ta santé ce soir, pour me lancer comme un bezerker à la soirée « DJ test » du bar. En gros, de parfaits dilettantes vont se faire les dents sur les platines en prévision de la dernière soirée qui sera organisée le 16 janvier – ouais, l’Organisation, c’est un peu ça aussi : tout programmer, tout planifier, même les pots de départ.

Un Joyeux Noël à toi et ne manque de transmettre mes voeux à ta famille également !


Pour revenir au précédent mail, j’espère que t’as récupéré ta connexion. Je voudrais pas que tu te fasses effacer l’hypothalamus par la cyberpolice et retrouver un zombie à mon retour.

Je sais pas trop si je suis déjà converti au cyberpunk. J’ai aimé Neuromancien, mais ça veut pas forcément dire que je suis complètement converti. Toi et ton art de l’enthousiasme emporté, hein…

Ce qui m’amène forcément à faire une association avec ton nouveau lien vers un article concernant les Flaming Lips. Hum… t’aurais pas quand-même une sorte de problème avec ça ? En as-tu parlé à ton psy ? Il doit y avoir un complexe irrésolu derrière la persistance de cette obsession, non ?

Cela étant dit, je ne peux malheureusement pas suivre ton sage conseil et les écouter quand je suis triste. J’en ai simplement pas avec moi. Faudra définitivement que je passe chez Cig pour d/l sa zik quand je serai rentré. Il me manque vraiment trop de truc.


Pour en revenir aux bouquins… comment formuler ça… ouais : les membres de l'Organisation se rendent pas compte. On m’a filé la « responsabilité » de la bibliothèque. Ça signifie, en gros, que je gère la classification et les emprunts. Ça me fait bien marrer, parce qu’ils m’ont filé ça comme si c’était le travail pourri dont personne ne voudrait.
Des livres quoi ! Mais c’est un cadeau qu’ils m’ont fait.
Parce que, effectivement, le rôle sert à rien vu que je n’ai pas encore prêté un seul bouquin, mais à côté de ça, je me suis déjà mis de côté deux-trois brols pour être sûr de ne pas les filer et de me le garder au chaud. Je me suis réservé Dangereuse Callisto d’Asimov, Aventures d’un Gourmand Vagabond de Jim Harrison (Putain ! mais je me rends compte à l’instant que je t’ai jamais parlé d’Harrison, faut que t’en lises, je suis certain que t’aimerais. Me souviens plus bien de l’histoire de Wolf, le premier bouquin que j’ai lu de lui, mais j'ai mémoire que c’était un type qui vivait seul dans les bois. Genre grands espaces américains, Into the Wild, Walden, tout ça quoi. Go get some !), Tonio Kröger de Thomas Mann, Les Cerfs-Volants de Kaboul (j'ai été surpris par le résumé, je croyais que c'était un bouquin genre bouhou les pôv' piti nenfants de Kaboul ouin-in-in la vie est trop dure là-bas, mais ça a plutôt l'air d'un thriller... w&s) et Les Pintades à Téhéran parce qu’ils faut bien se cultiver tout en entretenant sa féminité, hein.
Bon évidemment, c’est à peu près tout ce que j’ai pu retirer de bon de c’te bibliothèque, parce que pour le reste, ce sont des SAS, des Roman à l’Elysée et autres Zorro et des bouquins de Christine Ockrent. Je schématise bien-sûr. Oh ! En matant l’étagère, je viens de me rendre compte qu’il y a un roman de Harry Mulisch,un auteur flamand dont je ne sais pas grand-chose si ce n'est que c’est le nom d’un groupe de punk dans le film Ex-Drummer.
Au fait, as-tu vu ce film ? Si non, il FAUT absolument impérativement (et autre adverbes péremptoires, insistant sur l'urgence encore plus grande que de lire du Harrison) que tu le regardes. C’est basé sur le roman d’un autre auteur flamand, Hermann Brusselmans, que nous devons sans doute également découvrir eut égard à l’excellence du film. Film belge aussi, soit dit en passant, tourné à Oostende.

J’hésite aussi à sortir de l’étagère un livre de B. Akounine. Je sais que j’ai déjà entendu parler de lui, mais je ne sais plus si c’est en bien. Un conseil ?

Enfin, de toute façon, je n’aurai sans doute pas l’occasion de lire tout ça, sachant que je suis en ce moment dans La Physique des Catastrophes, un roman quelque part entre le ridicule de Werber et la prétention de Nothomb, mais qui a tout de même pour lui de servir de guide de références littéraires et cinématographiques américaines. Puis, j’ai aussi amené ici La Stratégie du Choc de Noami (sic) Klein et la deuxième partie de Don Quichotte. Tout un programme quoi.

Bref, je parle, je parle, mais j’en oublie mon Ice Tea Light (ouais, en fait, y a que des Ice Tea Light, dieu sait pourquoi).


Take care,


P.


Pieno

Correspondances I : Muetdhiver














Wos'up bro' !

C'est fait ! j'ai terminé Neuromancien avant-hier. En fait, à cette deuxième lecture, j'ai un peu de mal à comprendre ce que je n'avais pas compris la première fois. OK, y a ce vocabulaire un peu sybillin au début, mais avec un peu de concentration... (on déplace des montagnes ?)

Je crois que j'étais fatigué quand je l'ai lu. C'est vrai que ça faisait un petit temps que j'étais fatigué. Epuisement post-point-final-à-La-Fabrique, peut-être. Ou dépression post-refus-en-cascade, qui sait ? Du coup, je l'ai lu comme en diagonale. Et je sais pas toi, mais moi, je sais pas lire en diagonale. Quand d'autres gens en parlent, je fais genre "oui, oui, j'ai lu ça en diagonale" pour pas passer pour un con qui n'est pas capable de lire vite, mais la réalité c'est que si je lis un truc de cette façon ça donne "Sont à mourir les diapos la dernière fois toute proche gratuite les sourcils, dit le garçon. Quelque part, dit Case, couvre-lit noir." (lecture en diagonale de la page 161 de Neuromancien). Ca veut rien dire quoi.

Ce qui m'échappe, mais alors complètement, c'est le génie de Gibson. Comment DIABLE a-t-il pu pondre un truc pareil en '83, en fucking '83 ! Ca me dépasse, mais alors là totalement. A l'époque, Internet, c'était encore un réseau confidentiel de la CIA, la conscience écologique c'était presque une blague limitée à la forêt amazonienne, la puissance des ordinateurs, c'était une projection purement théorique.
Incroyable. (keua)

A côté de ça, tout va bien ici. Je cours avec les Variations de Goldberg dans les oreilles. Je traverse les installations allegro ma non troppo (troppo ferait mauvais genre au sein de l'Organisation).
Mais pour le reste, routine et ambiance fin de siècle (c'est la dernière mission dans la région, ce qui en fait glisser certains dans la pente d'une douce décadence).

J'espère que tu arrives à la fin de ton mémoire avec confiance et PAF ! grande claque dans le dos, je te soutiens, mec !

See ya,

P.

mercredi

Скопже (Skopje and all that could have been)












Pour tout dire, ce texte a initialement été écrit sur un rouleau de pq. Il n'y a malheureusement pas d’arrière-plan sur ce blog pour le faire transparaître. Place donc à votre imagination, mais prenez garde, l’imagination est mère de toutes les frustrations.

Il est 20h30. A cette heure-ci, je devrais commander une deuxième bouteille de champagne, entouré d’une demi-douzaine de blondes – et d’une brunette pour faire bonne mesure – dans un bar branché de Skopje.

Quand on m’a proposé de suivre le responsable des achats dans son boulot à la capitale macédonienne, j’ai bondi sur l’occasion comme un fauve s’échappant du zoo de Berlin. D’habitude, j’ai plutôt tendance à refuser ce genre d’offre pour ne pas passer pour un touriste, un privilégié, un opportuniste. Cette fois cependant, mon cœur festif à crié Soirée Oh Yeah à Skopje, ça va être legen… wait for it… dary ! C’était l’ultime occasion, je ne reviendrai probablement jamais dans la région.

L’imagination est mère de toutes les frustrations. Mû par un enthousiasme qui m’est peu ordinaire, j’avais foncé sur le site de l’office du tourisme de la ville. La page était pauvre comme une ville post-communiste peut l’être. Il ne m’a pas beaucoup renseigné, mais j’envisageais de visiter le château médiéval et d’aller jeter un œil sur le pont pittoresque que le site présentait. Si le responsable des achats se faisait trop long, je l’aurais attendu en buvant des macchiati en terrasse, en fumant des clopes sur la grand place, sous l’immense enseigne Скопско.

Ensuite, nous serions allés faire bombance pour trois fois rien dans un grand restaurant, nous délectant de mets locaux arrosés d’un parfait Suhindol.

L’œil aiguisé par l’ivresse légère, nous aurions alors choisi avec justesse un antre de déchéance. Nous serions entrés avec vigueur et optimisme au БАИБИ. D’entrée de jeu, pour remercier le responsable des achats de m’avoir emmené, j’aurais offert la première tournée. Une bouteille de Roederer qui ne m’aurait probablement coûté que 1200 denars macédoniens.

Les bulles attirent les belles et rapidement, nous aurions été environnés de blondes slaves (et d’une brunette pour faire bonne mesure), des modèles en devenir, des démonstrations mathématiques vivantes de la constante des Balkans : c + 2S² = P/T (petit cul + gros seins = paradis sur terre).

Pour faire bonne impression, j’aurais entamé la conversation par des Добэя дэн ! какостэ ? Можэ імэ жэ Піакоа. Како сэ зовэс ? Suivi d’une gêne feinte, soulignée d’un Sorry, girls, that’s all I know about Macedonian, confirmant par-là les dires du chanteur :

Et quant au macédonien

C’est spécial, je te préviens

[…]

Si tu veux avoir la paix

T’emmerde pas, prends l’anglais

Grand prince, je les aurai arrosées d’une seconde bouteille de Roederer (à ce prix-là !), la situation aurait progressivement commencé à m’échapper, mais dans leur langue aux « r » roulés et aux « ié » mouillés, j’aurais parfaitement compris qu’elles souhaitaient procéder à un concours de baisers, m’instituant juge pour les départager.

La charmante victorieuse m’aurait entraîné dans les toilettes sordides du БАИБИ et je me serai réveillé le lendemain, dans ma chambre vide remplie d’une terrible migraine, mais la tête fourrée d’images capricieuses et obscènes révisant la constante des Balkans : c + 2S² = XE (petit cul + gros seins = extase d’enfer). Sur ma main, une adresse e-mail écrite grâce au bic que je n’avais pas manqué d’emporter.

L’imagination est mère de toutes les frustrations. Quand ai-je compris que la soirée n’allait pas exactement se dérouler comme fantasmé ? Peut-être quand le responsable des achats m’a annoncé que nous souperions dans un restaurant italien du Shopping Center. Sans l’interprète à ses côtés, il avait peur de se perdre. Deux mois qu’il vient une fois tous les quinze jours à Skopje et il n’a toujours pas de carte de la ville. Peut-être aurais-je dû me méfier bien plus tôt, quand il a inséré un CD dans le lecteur et que les premières notes de We Are The World ont résonné dans l’habitacle. Peut-être même encore plus tôt, quand à huit heures je me dirigeai vers le samovar, m’apprêtant au combo matinal café/clope et que j’ai croisé l’assistant :

- Ah, bonjour ! c’est bien à 8h30 que nous démarrons ? je lui demande.

- Nous sommes déjà prêts, au véhicule, on vous attend.

Ils ne m’ont pas laissé flâner dans la ville. Vous savez avec tous ces Roms qui traînent dans les rues, m’a expliqué l’assistant. L’autre fois, y a des enfants qu’ont essayé de voler mon argent dans mon sac banane…

J’ai ainsi été balloté des faubourgs de la ville aux faubourgs de la ville, le peu de découvertes filtré par les vitres teintées. J’ai vu le château, depuis une artère principale, à septante kilomètres à l’heure. J’ai vu le pont pittoresque. De loin. Et de la même distance les ouvrages de béton massifs de l’ère communiste.

Pour passer le temps, je déchiffrais tous les panneaux que nous croisions, butant sans cesse sur les Ч et les њ. J’ai encore beaucoup de progrès à faire en cyrillique. Quand j’ai demandé à l’interprète la signification d’une lettre, à ma pauvre oreille, elle a répondu tch. J’ai dit (stupide) Ah… il y a deux tch alors et elle m’a répondu Non, c’est tch et tch. Hum… A mon tour d’être limité et de devoir sourire d’embarras pour me défaire d’une situation gênante (cfr Correspondances).

Nous sommes un moment passés dans le centre-ville. Enfin, peut-être. Le soleil s’était déjà couché et il y a des chances pour que ce fût beau. Je ne le saurai jamais.

Je crois que je suis juste mal tombé, juste en mauvaise compagnie. Le summum de la soirée à été ce moment où la lumière s’est tamisée chez Gino. Pour situer l’endroit, il s’agit d’un restaurant italien à peine plus luxueux que le Cafe Pino du Shopping Cora de Rocourt. Mes no limit de camarades avaient commandé une pizza à la pancetta (qui m’a tout eu l’air d’être du lard), tandis que moi, le fou malade excentrique, j’ai opté pour des médaillons de bœuf façon locale. Quelle audace ! Quel guedin ! Bref, on a tamisé la lumière et par ironie, j’ai lâché :

- Ah ! Quelqu’un va faire sa demande de mariage chez Gino !

- Ah oui, c’est beau ici… a répondu l’assistant avec le plus grand sérieux (avec un sérieux dont il ne s’est pas séparé de toute la journée ; ce mec aurait dû devenir nonne).

Il est 21h. Avec la soirée que j’avais prévue, je n’ai pas emporté de bouquin, pas de musique, rien. Je pensais que je n’en aurai pas le temps, que j’aurai bien mieux à faire. Le bic que j’avais glissé dans ma poche aurait dû servir à une blonde pour me laisser son mail après une macédoine de langue.

Me voici donc à Petroveć, dans une chambre dépouillée avec salle de bain privative – ce que je suis obligé de considérer comme un luxe. En train d’écrire sur du pq pour éviter de passer la soirée à essayer de battre mon record ridicule au Snake Xenzia. Le sommeil ne viendra pas. Il n’avait pas été invité au БАИБИ.

L’imagination est mère de toutes les frustrations et je vais éponger les miennes sur la prochaine feuille de ce papier simple épaisseur.

Petroveć

20 janvier 2010.