samedi

A Pig In A Cage On Antibiotics















Un truc beau, un truc bien, un truc carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Et l’accent flexe lui rappelait Watt et les mots de Watt « Les artistes ne parlent pas d’art. Les artistes créent ». D’artiste, il aura toute sa vie gardé le futur. Future Artist. C’était écrit en blanc, sur fond bleu, dans des caractères fantaisistes. L’âme d’artiste comme potentialité, jamais réalisée. Future Artist. Un badge en guise de regret, qui n’aura jamais pris place. Il avait fait des choix. Des choix beau, des choix bien, des choix carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Le vieil homme souriait de sa bouche sans dents. Il était vieux maintenant. Et derrière ses yeux aveugles des images du monde entier défilaient. Un monde conquis. Les choix matérialistes avaient été les plus simples. Il lui avait fallu du temps pour comprendre que la vie c’était fait pour avancer, pas pour reculer. Qu’on ne faisait pas ce qu’on voulait dans la vie. Il avait fait une croix sur les filles, sur les pochtronneries, sur toutes les facéties. On n’était pas là pour rigoler. Il avait choisi la carrière. Une carrière beau, une carrière bien, une carrière carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Comme on lui avait dit. Personne ne le soutenait dans ses idées de gamin. Et c’était bien normal, il n’était plus un gamin. A grandes enjambées, il montait les marches de la société. Un rang, un sourire, un triomphe. Rapidement, il se riait des filles, des pochtronneries, des facéties. La bagnole, la maison, les enfants, le chien qui court dans le jardin, c’était ça, la vie ! Derrière ses yeux aveugles, ses oreilles graves, son nez grossi, il contemplait sa vie. Le banc sur lequel il était assis était bien plus stable que celui sur lequel il avait grandi. Aujourd’hui, c’était un banc beau, un banc bien, un banc carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Tout le monde avait grandi, tout le monde avait vieilli, certains mieux que d’autres et ceux qui ne s’étaient pas alignés étaient morts . Mortdefaim. Et lui, le vieil homme aux yeux aveugles, il avait une bonne pension et une vue sur l’île d’Héraclion. Haha ! L’île d’Héraclion ! Une vue de ses yeux aveugles. Il s’en foutait, il respirait l’air marin. Ca ne se paie pas avec des filles, avec des pochtronneries, avec des facéties ! Ca ne se paie pas avec des rêves. Les rêves c’est pour les crèveslafaim. Derrière ses beaux yeux aveugles, il avait mieux que des rêves. Il avait des souvenirs. Des souvenirs beau, des souvenirs bien, des souvenirs carré. Stâble. Adulte, réfléchi. Et sa femme s’occupait de lui et ses enfants s’occupaient de lui et ses petits-enfants riaient avec lui et son sourire sans dents. Une vie réussie. Ses parents avaient été fiers de lui. Tout le monde était fier de lui. Ses parents, sa famille, le reste de ses amis, ses anciens jeunes collègues qui l’auraient bien roué de coups amicaux pour le féliciter le jour de sa mise à la retraite. Fier lui aussi de sa croix sur les filles, sur les pochtronneries, sur les facéties. On n’était pas là pour rigoler. Le virage avait été facile, finalement, quand ses rêves eux-mêmes l’appelaient à plus de sérieux. Le sérieux. Un truc beau, un truc bien, un truc carré. Stâble. Adulte, réfléchi.

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